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Corée, comme en d’autres pays dans des circonstances analogues, il se rencontre presque toujours des ministres ambitieux qui spéculent sur les passions du maître, et cherchent à l’énerver par l’abus des plaisirs, afin qu’il ne puisse se mêler des affaires du gouvernement, et les laisse régner eux-mêmes sous son nom.

Il est donc rare que le roi soit capable d’administrer par lui-même et de surveiller les ministres et les grands dignitaires. Quand il le fait, le peuple y gagne, car alors les mandarins sont obligés d’être sur leurs gardes et de remplir leur devoir avec plus d’attention. Des émissaires secrets rapportent au roi les cas d’oppression, de concussion, de déni de justice, et les coupables sont punis, au moment où ils s’y attendent le moins, par la disgrâce ou par l’exil. Aussi la masse du peuple, généralement attachée au roi, ne l’accuse pas des actes de tyrannie et d’oppression dont elle a à souffrir. Toute la responsabilité en retombe sur les mandarins. Jadis il y avait au palais une boîte appelée sin-moun-ko, établie par le troisième roi de la dynastie actuelle, vers le commencement du xve siècle, pour recevoir toutes les pétitions adressées directement au roi. Cette boîte existe encore, mais elle est devenue à peu près inutile, car on ne peut y arriver qu’en payant des sommes énormes. Aujourd’hui, ceux qui veulent faire au roi une demande ou réclamation s’installent aux portes du palais et attendent que Sa Majesté sorte. Alors ils frappent du tam-tam, et à ce signe un valet vient recevoir leur pétition, laquelle est remise à un des dignitaires de la suite du roi ; mais cette pièce est presque toujours oubliée si le pétitionnaire n’a pas le moyen de dépenser l’argent voulu pour s’assurer les protections nécessaires. Un autre moyen, employé quelquefois, est d’allumer un grand feu sur une montagne qui se trouve près de la capitale, vis-à-vis du palais. Le roi voit ce feu et s’informe de ce qu’on demande.

Outre les largesses d’usage dans les grandes circonstances, le roi, d’après la coutume du pays, est chargé de pourvoir à l’entretien des pauvres. Le recensement de 1845 comptait quatre cent cinquante vieillards ayant droit à recevoir l’aumône royale. On donne aux octogénaires chaque année : cinq mesures de riz, deux de sel et trois de poisson ; aux septuagénaires : quatre mesures de riz, deux de sel et deux de poisson. La mesure de riz dont il est ici question suffit à la nourriture d’un homme pendant dix jours.

L’aristocratie étant très-puissante en Corée, il semble au premier abord que les princes du sang, les frères, oncles ou neveux