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autres que ceux de Tchou-cha, de Ming ou de Lo[1] n’ont jamais été admis par les lettrés et les mandarins de ce royaume ; à plus forte raison, n’ont-ils jamais eu cours parmi eux. Il n’est pas jusqu’aux femmes et aux enfants des carrefours et des chaumières, qui ne soient familiers avec les cinq devoirs fondamentaux et les trois grands câbles, appuis de la société[2], et qui n’en fassent la règle ordinaire de leur conduite. Toute autre doctrine est étrangère au petit royaume et l’erreur n’y a jamais pénétré.

« Mais depuis environ une dizaine d’années, il a paru une secte de monstres, de barbares et d’infâmes, qui s’affichent pour les sectateurs d’une doctrine, qu’ils disent apportée d’Europe, qui blasphèment contre le ciel, n’affectent que du mépris pour les sages, se révoltent contre leur prince, étouffent tout sentiment de piété filiale, abolissent les sacrifices des ancêtres, et brûlent leurs tablettes ; qui, prêchant un paradis et un enfer, fascinent et entraînent à leur suite le peuple ignorant et imbécile ; qui, par le moyen d’un baptême, effacent les atrocités de leur secte ; qui recèlent des livres de corruption, et avec des sortilèges semblables à ceux des Fou-tchan (bonzes, sectateurs de Fo), rassemblant des femmes de toutes parts, vivent comme les brutes et les oiseaux de basse-cour. Les uns se disent pères spirituels (prêtres), d’autres se donnent pour dévoués à la religion (chrétiens). Ils changent leurs noms pour se donner des titres et des surnoms à l’exemple des brigands Pe-ling et Houang-kin[3]. Ils s’adonnent à la divination, répandent en forcenés l’erreur et le trouble depuis la capitale jusqu’aux provinces Tchung-sing et Tsuen-lo (Tsiong-tsieng et Tsien-la). Leur doctrine se communique avec la rapidité du feu, leurs sectateurs se multiplient d’une manière effrayante.

« Défunt Kung-huen-ouang (le roi précédent, Tieng-tsong-tai-oang), ayant pris une connaissance exacte de tous ces désordres, et prévoyant les suites, donna les ordres les plus sévères,

  1. Les livres de Tchou-cha, de Ming, de Lo, signifient la doctrine de Confucius. Tchou-cha est l’endroit où enseigna ce philosophe ; Ming el Lo sont la pairie de deux commentateurs célèbres de sa doctrine, Tchung-tse et Tcheou-tse, sous la dynastie des Sung.
  2. Les cinq devoirs fondamentaux sont ceux : 1o du prince et des sujets ; 2o du père et des enfants ; 3o de l’aîné et des cadets ; 4o du mari et de la femme ; 5o des vieillards et des jeunes gens. — Les trois grands câbles sont : l’autorité du prince, celle du père et celle du mari.
  3. Houang-kin est le nom d’une secte de révoltés qui parut sous la dynastie des Han ; Pe-ling, le nom d’une société secrète qui a troublé la Chine jusque dans les derniers temps.