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donner la clef, ce qui fut accepté ; mais ce fait est loin d’être prouvé. Quoi qu’il en soit, la lettre fut lue, et jeta l’épouvante à la cour. Le complot d’appeler les Européens dans le pays, au secours des chrétiens, était évident ; on en avait en main la preuve authentique, il en fallait dix fois moins, avec un gouvernement aussi soupçonneux et aussi jaloux des étrangers que le gouvernement coréen, pour faire traiter les prisonniers en criminels d’État.

En même temps, et probablement sur les indications fournies par Thomas Hoang, les deux autres associés d’Alexandre, Ok Tsien-hei et Pierre Kim Han-pin-i furent saisis et jetés dans la même prison. On leur adjoignit bientôt un cinquième chrétien, de la classe des interprètes, nommé Hien Kiei-heum-i, ou Hien Sa-si-ou, le père du catéchiste Charles Hien, décapité pour la foi en 1846.

Hien Kiei-heum-i s’était d’abord réfugié en province, mais toute sa parenté s’étant trouvée compromise, et exposée à de continuelles vexations à cause de sa fuite, on lui écrivit de se livrer, ce qu’il fit. On l’accusait de s’être rendu à bord d’un navire européen qui, en 1799, avait, pendant quelques jours, mouillé en rade de Tong-nai, et d’avoir rapporté qu’un seul navire comme celui-là pourrait facilement détruire plus de cent navires de guerre coréens ; ce qui, aux yeux des juges, prouvait manifestement sa participation au complot. Il fut donc à tort ou à raison impliqué dans le procès d’Alexandre. Tous ces accusés eurent des tortures extraordinaires à supporter, et tous le firent en héros. La pensée de renier leur foi ne leur vint pas un seul instant, et ils furent bientôt condamnés.

Voici le texte officiel de la sentence de Thomas Hoang, celles de ses compagnons sont analogues.

« Le 24 de la dixième lune, tribunal du Keum-pou.

« Le coupable Hoang Sim-i, être vil et méprisable, perdu dans la mauvaise religion, a parcouru la capitale et les provinces, a consacré toutes ses forces et s’est beaucoup remué pour la secte impie et ignoble. Ayant été secrètement dans un pays étranger, il a reçu un nom dans l’Église des Européens. Il a fait divers voyages pour Tsiou Moun-mo (le P. Tsiou), et a transmis ses lettres. Dans tout ce que les adeptes de la mauvaise religion ont tramé, il n’est rien qu’il n’ait su à l’avance. Il s’est lié à la vie, à la mort, avec Sa-ieng-i (Alexandre Hoang), puis ayant appris que celui-ci, pour se dérober à la justice, était allé à Tsiei-tsien, il est allé à dessein l’y trouver ; ils ont partagé le même oreiller, et,