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tsong, frère du roi, prince habile et cruel ; les autres préféraient attendre, espérant toujours que le roi ne mourrait pas sans postérité. On nomma les premiers Piek ou Piek-pai, les seconds Si ou Si-pai. Les Piek envoyèrent secrètement à Péking pour obtenir l’investiture en faveur de Ieng-tsong ; mais les Si, avertis à temps, poursuivirent les émissaires qui furent rejoints sur le territoire coréen et décapités. Cependant le vieux roi mourut sans laisser d’enfant, et Ieng-tsong monta sur le trône en 1724. La voix publique l’accusait, non sans raison, de s’être frayé un chemin au pouvoir par un double crime, d’avoir empêché par diverses médecines que son frère n’eût des descendants, puis de l’avoir empoisonné. Exaspéré par ces rumeurs et appuyé par les Piek, le nouveau roi, à peine couronné, fit périr un grand nombre de Si, qu’il savait être ses ennemis. Quelques années après, son fils aîné étant mort en bas âge, il déclara son second fils nommé Sa-to héritier du trône, et l’associa au gouvernement. Ce jeune prince, que tous s’accordent à représenter comme un homme accompli, engageait souvent son père à oublier ses rancunes passées contre les Si, à proclamer une amnistie générale, et à tenter franchement une politique de réconciliation. Ieng-tsong, irrité de ces reproches et poussé par les Piek, résolut de mettre son fils à mort. On fabriqua un grand coffre en bois, où Sa-to reçut l’ordre de se coucher tout vivant, puis on ferma ce cercueil, on le scella du sceau royal, on le couvrit d’herbes, et après quelques heures le jeune prince mourut étouffé.

Sa mort augmenta l’exaspération entre les Si, ses partisans, et les Piek qui l’avaient fait condamner au supplice, et la querelle dure encore. Les Si voudraient que Sa-to, ayant été proclamé prince héritier et associé à l’administration des affaires de l’État, soit mis au nombre des rois. Les Piek s’y sont toujours opposés, et jusqu’à présent, ils ont réussi à empêcher cette réhabilitation posthume. La distinction entre Si et Piek ne se retrouve guère que parmi les deux partis les plus considérables, les Nam-in et les No-ron. Chacun s’associe à telle ou telle couleur suivant son inclination personnelle, et souvent il arrive que le père est Piek tandis que le fils est Si, ou que deux frères sont de couleur différente. Ces nuances politiques n’empêchent nullement les mariages entre les familles, et c’est en ceci surtout que les Si et les Piek diffèrent des partis politiques proprement dits, que nous avons indiqués plus haut. En général, les personnes remuantes et ambitieuses se mettent du parti des Piek, tandis que les Si se sont toujours montrés plus modérés et plus portés à la conciliation.