Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombre d’années, il m’a découvert le fond de son cœur, et m’a dit avoir eu, lui aussi, ce même désir dès avant notre mariage. Notre union a donc été une grâce spéciale de Dieu qui approuvait la réalisation de nos projets, et c’est pourquoi tous les deux nous désirions reconnaître ce bienfait si grand, en donnant notre vie pour la foi de Jésus-Christ. Nous nous étions mutuellement promis que quand serait venu le jour où on nous remettrait en main l’administration de la maison et des biens, nous en ferions trois ou quatre parts, l’une pour les pauvres, une autre très-large pour les frères cadets, afin qu’ils pussent bien soigner nos parents, et si les jours devenaient plus heureux, nous devions nous séparer et, avec le reste, vivre chacun en particulier. Enfin nous nous étions engagés à ne jamais violer cet accord.

« L’an passé, c’était à la douzième lune, une tentation des plus violentes se fit sentir ; mon cœur tremblait, semblable à quelqu’un qui marcherait sur la glace prête à se rompre, ou sur le bord d’un abîme. Je demandai instamment, les yeux levés au ciel, la grâce de la victoire, et, par le secours de Dieu, à grand’peine, à grand’peine nous avons triomphé, et nous nous sommes conservés enfants. Notre confiance mutuelle en est devenue solide comme le fer et la pierre, notre amour et noire fidélité inébranlables comme une montagne.

« Depuis cette promesse de vivre en frère et sœur, quatre ans s’étaient écoulés, quand, cette année, il fut pris au printemps. Pendant les quatre saisons, il ne put pas une seule fois changer d’habits. Emprisonné pendant huit mois, il ne fut déchargé de sa cangue qu’au moment de mourir. — Ne viendra-t-il pas à renoncer à Dieu ? pensais-je jour et nuit avec inquiétude ; et j’espérais pour l’encourager aller le rejoindre et mourir avec lui. Qui l’aurait pu penser ? qui aurait pu savoir qu’il prendrait le devant ? C’est encore un plus grand bienfait de Dieu. Ici-bas, de quelque côté que je me tourne, je ne vois rien qui puisse désormais captiver mes affections et me préoccuper. Qu’une pensée s’élève dans mon esprit, c’est vers Dieu ; qu’un soupir s’élève dans mon cœur, c’est vers le ciel.

« Le 13 de la dixième lune, je fus par sentence du tribunal mise au rang des esclaves de préfecture, et condamnée à un exil lointain à la ville de Piek-tong. Je me présentai devant le mandarin et lui fis mille réclamations : « Nous tous qui honorons le Dieu du ciel, d’après la loi du royaume, nous devons mourir ; je veux, moi aussi, mourir pour Dieu, comme les autres personnes de ma maison. » Il me chasse aussitôt et m’ordonne de sortir. Je