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à la capitale, a courageusement confessé sa foi. Vraiment quelle grâce ! quelle protection ! comment assez en remercier Dieu ? Ma mère, je loue votre bonheur. Séparée de vous depuis quatre ans, j’ai bien souffert de ne plus pouvoir vous communiquer tous les sentiments de mon cœur ; mais cela même est un ordre de Dieu. Il nous a donnés à vous, il nous retire, tout cela est réglé par sa Providence, et s’en émouvoir trop serait pour des chrétiens une faiblesse digne de risée. Dans l’éternité, nous relierons les rapports de mère à fille et les rendrons entièrement parfaits ; j’ose dix mille fois l’espérer.

« Ma belle-sœur, ne vous attristez pas trop. Mon frère viendrait-il à mourir, on peut dire que vous avez vraiment rencontré un époux. Je vous félicite par avance d’être la femme d’un martyr. Dans ce monde unis par les liens du sang ou du mariage, dans l’éternité placés sur un même rang, mère, fils, frère, sœurs, époux, si nous parvenons à jouir de la joie éternelle, ne sera-ce pas bien beau ? Après ma mort, veuillez ne pas rompre les relations avec la famille de mon mari, mais faire comme quand j’y étais.

À mon arrivée chez mon mari, j’obtins facilement ce qui était l’objet de toutes mes inquiétudes, et le souci de toutes mes journées. Je me trouvai avec lui à la neuvième heure ; à la dixième, tous deux nous fîmes serment de garder la virginité, et, pendant quatre ans, nous avons vécu comme frère et sœur. Dans cet intervalle, ayant eu quelques tentations, une dizaine de fois, peu s’en fallut que tout ne fût perdu ; mais, par les mérites du Précieux Sang, que nous invoquions ensemble, nous avons évité les embûches du démon. Je vous dis ceci dans la crainte que vous ne vous tracassiez à mon sujet.

« Veuillez recevoir ce chiffon de papier avec joie, comme si vous receviez ma personne. — Avant d’avoir encore rien fait, vous envoyer ainsi mes pensées et mon écriture, c’est bien léger de ma part, mais je désire par là dissiper les inquiétudes de ma mère, veuillez y trouver quelque consolation. — Pendant que le P. Jacques Tsiou existait, il me recommanda de noter en détail les persécutions subies par toute la famille ; c’est pour cela qu’arrivée ici, j’ai envoyé quelques papiers par l’occasion de Jean ; que sont-ils devenus[1] ? Je vous le répète, réprimez toute espèce de chagrin et de trouble, pensez que ce monde est vain et trompeur. J’aurais mille choses à ajouter, mais je ne puis tout

  1. On n’a pu retrouver aucune trace de ces documents.