Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Moi, votre sujet, je suis un homme dont la destinée est peu fortunée : j’ai été longtemps sans avoir de successeur ; enfin j’ai eu un enfant mâle d’une concubine. Sa naissance m’a causé une joie incroyable : j’ai pris aussitôt pour reine la mère qui l’avait engendré ; mais j’ai fait en cela une faute, qui est la source de plusieurs soupçons. J’obligeai la reine Min-chi, mon épouse, à se retirer dans une maison particulière, et je fis ma seconde femme, Tchang-chi, reine en sa place. J’informai alors en détail Votre Majesté de cette affaire. Maintenant je fais réflexion que Min-chi a reçu les patentes de création de Votre Majesté, qu’elle a gouverné ma maison, qu’elle m’a aidé aux sacrifices, qu’elle a servi la reine ma bisaïeule et la reine ma mère ; qu’elle a porté le deuil de trois ans avec moi. Suivant les lois de la nature et de l’équité, je devais la traiter avec honneur ; mais je me suis laissé emporter à mon imprudence. Après que la chose fut faite, j’en eus un extrême regret. Maintenant pour me conformer aux désirs des peuples de mon royaume, j’ai dessein de rendre à Min-chi la dignité de reine, et de remettre Tchang-chi au rang de concubine. Par ce moyen, le gouvernement de la famille sera dans l’ordre, et le fondement des bonnes mœurs et de la conversion de tout un État, sera rectifié.

« Moi, votre sujet, quoique je déshonore par mon ignorance et ma stupidité le titre que j’ai hérité de mes ancêtres, il y a pourtant vingt ans que je sers Votre Majesté suprême, et je dois tout ce que je suis à ses bienfaits, qui me couvrent et me protègent comme le Ciel. Il n’y a aucune affaire domestique ou publique, de quelque nature qu’elle soit, que j’ose lui cacher. C’est ce qui me donne la hardiesse d’importuner deux et trois fois Votre Majesté sur cette affaire. À la vérité je suis honteux de passer ainsi les bornes du devoir ; mais comme c’est une affaire qui touche l’ordre qui doit se garder dans la famille, et qu’il s’agit de faire entendre les désirs du peuple, la raison veut que je le fasse savoir avec respect à Votre Majesté. »

L’empereur répondit à ce placet par l’édit suivant :

« Que la cour à qui il appartient, délibère et m’avertisse. »

La cour dont il est question est celle des rites. Elle jugea qu’on devait accorder au roi sa demande, ce qui fut ratifié par l’empereur. On envoya des officiers de Sa Majesté pour porter à la reine de nouvelles lettres de création, des habits magnifiques, et tout ce qu’il fallait pour remplir les formalités accoutumées.

L’année suivante le roi envoya un autre placet à Kang-hi. L’empereur l’ayant lu, porta cet édit :