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sortir de la prison pour aller lui donner la sépulture. Ces derniers devoirs des enfants envers leurs parents, ou des membres d’une même famille entre eux, sont quelque chose de si essentiel, de si sacré aux yeux des Coréens, que les détenus pour délit civil sont presque toujours momentanément relâchés en pareil cas, et qu’il n’est pas rare de voir même les grands criminels et les condamnés à mort obtenir congé de s’absenter quelques jours. L’histoire de nos martyrs offre plusieurs exemples analogues. Pierre reçut donc cette permission, et le fonctionnaire par qui elle fut accordée, touché de commisération, lui insinua d’en profiter pour échapper par la fuite à une mort inévitable. Mais le généreux confesseur n’eut garde de suivre cette insinuation. « Je veux me venger du démon, disait-il à quelques amis, je veux réparer mon apostasie d’autrefois, et mon plus grand bonheur sera de donner ma tête, pour le témoignage de Jésus-Christ. » En conséquence, les cérémonies de l’enterrement terminées, il revint de lui-même, au terme fixé, se reconstituer prisonnier, et quelques jours après, eut la tête tranchée. Il avait alors trente-deux ans.

C’est aussi au commencement de la quatrième lune que fut mise à mort une jeune vierge, nommée Barbe Sim, du district de Koang-tsiou. Touchée des grands exemples qu’elle avait rencontrés dans la vie des saints, elle avait résolu de renoncer au mariage, et de consacrer à Dieu sa virginité. Elle vivait retirée, dans sa famille, et pratiquait la religion avec une ferveur exemplaire. Son frère, Sim Io-san, ayant été arrêté comme chrétien, elle dit un jour à ceux qui l’entouraient : « Mon frère m’attend, pour que nous soyons martyrs tous deux ensemble. » Cette parole n’attira point l’attention, mais ce jour-là même, les satellites se présentèrent en disant qu’ils venaient chercher la jeune chrétienne qui se trouvait à la maison. On leur répondit que certainement ils se trompaient, qu’il n’y avait personne, etc… ; mais ils étaient trop bien renseignés pour lâcher prise, ils s’obstinèrent et en vinrent aux menaces. Barbe, les entendant, dit à sa mère : « Ne vous contristez pas trop, et laissez-moi obéir à la volonté de Dieu. » Aussitôt, sortant de l’appartement des femmes, elle se présenta devant les satellites, et leur fit nettement sa profession de foi. Sur leur ordre, elle se prépara à les suivre, changea d’habits sans s’émouvoir, se laissa arrêter et conduire à la capitale, où sa constance dans la foi lui mérita, après vingt jours seulement d’épreuves, d’aller recevoir la double couronne du martyre et de la virginité. Elle eut la tête tranchée à l’âge de dix-neuf ans. Son corps fut recueilli par sa famille, et l’on assure que son visage