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pas même le temps d’y arriver. Il s’était à peine mis en route qu’une maladie, causée par ses blessures, l’obligea de s’arrêter en chemin, et il mourut dans une hôtellerie.

Nous voudrions pouvoir déchirer de notre histoire, cette page que la vérité nous a forcés d’écrire. Cet homme que nous avons vu si grand dans sa vie, si grand au milieu des supplices, flétrissant ainsi ses derniers moments par une lâche faiblesse, quel spectacle ! mais aussi quelle leçon ! Sans doute, le peu de précision des documents ne nous permet pas d’apprécier exactement la portée de son acte de soumission, et de le qualifier d’apostasie ouverte, mais au lieu de raconter un triomphe, nous devons rester le cœur triste, en face d’un doute insoluble. Heureux, si après avoir refusé la couronne du martyre, que les anges tenaient déjà suspendue sur sa tête, Xavier Kouen a pu, par un acte de sincère repentir, trouver grâce devant le Dieu dont il avait propagé le culte et prêché la gloire, avec tant de zèle et de succès. C’est le second exemple que nous rencontrons, de chutes causées par un amour trop naturel pour les parents. Nous en trouverons d’autres. La piété filiale est un devoir sacré, sans aucun doute ; mais il y a pour l’homme d’autres devoirs plus sacrés encore, et parmi les premiers néophytes coréens, un grand nombre ne le savaient pas assez.

Pierre Ni Seng-houn-i que nous avons vu se retirer si honteusement avant le combat, était alors mandarin de la ville de Pieng-t’aik. Malgré sa défection bien connue du public, Hong Nak-an-i et ses partisans présentèrent à la cour une requête, dans laquelle ils le signalaient comme chef des chrétiens, ajoutant qu’on l’avait vu, à la préfecture, lire des livres de cette secte. Ils demandaient qu’il fût traduit devant les tribunaux et jugé selon les lois. On l’accusait aussi de ne pas faire les prostrations d’usage au temple de Confucius. Les faits ne purent être prouvés, et Seng-houn-i, de son côté, au lieu de confesser ouvertement la foi, publia une lettre pour se disculper de ce qu’il appelait une calomnie.

Dans cette requête de Hong Nak-an-i contre Pierre Ni, on lit la phrase suivante : « Parmi les dignitaires du royaume et les personnages les plus importants, déjà sept ou huit sur dix ont embrassé cette doctrine. Où arriverons-nous donc ? » L’exagération de ces paroles est manifeste, mais elles montrent bien qu’à cette époque, la religion chrétienne s’était grandement propagée en Corée, et que ses ennemis craignaient de la voir envahir bientôt tout le royaume. Le gouvernement effrayé faisait faire