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peuvent suggérer ; mais sans résultat. On revint alors aux supplices et aux tortures, et le généreux confesseur triompha de la souffrance, comme il avait triomphé des perfides caresses de l’ennemi. De guerre lasse, le roi, qui ne pouvait se décider à faire mourir Xavier, le condamna à l’exil dans l’île Tsiei-tsiou (Quelpaert), et le gouverneur de cette île reçut l’ordre de mettre son prisonnier à la question, trois fois par mois, jusqu’au moment où il ferait sa soumission.

Xavier Kouen restait donc victorieux de ces premiers et terribles assauts de l’enfer. Sa foi était intacte. Il sortit de prison, et comme l’état de ses blessures donnait de l’inquiétude, on lui permit de demeurer quelques jours à la capitale, avant de partir pour le lieu de son exil. Il alla se loger dans la maison de Ni Ioun-ha. Là, occupé à soigner ses blessures et à se disposer à son long voyage, il ne s’attendait guère, pas assez peut-être, à une dernière et plus violente tentation qui allait encore l’assaillir. À l’instigation du roi, quelques fonctionnaires du tribunal des crimes vinrent lui représenter que sa vieille mère, alors âgée de quatre-vingts ans, ne pouvait plus vivre longtemps. Une fois rendu à Tsiei-tsiou, au delà de la mer, comment pourrait-il supporter le remords de l’avoir laissée seule, et de l’avoir privée de la présence de son fils à ses derniers moments ? On insista sur ce tableau déchirant, et sans lui parler d’apostasie, ce qu’il repoussait toujours avec indignation, ou l’engagea seulement à faire au roi une légère soumission, afin d’obtenir une commutation de peine, et d’être exilé en un lieu moins éloigné. Xavier vivement ému à cette pensée, se sentit faiblir. Les uns disent qu’il fit de la main un signe de soumission. D’autres prétendent qu’un des assistants, le voyant chanceler, se hâta de faire ce signe en son nom. Une troisième version rapporte qu’il écrivit la phrase incomplète et amphibologique suivante : « La doctrine des Européens très-différente, la doctrine de Confucius et de Meng-tse, mauvaise et fausse. » On lui fit remarquer qu’il manquait, au milieu de la phrase, un caractère nécessaire pour la compléter et la rendre intelligible. Xavier aurait répondu : « Laissez-moi tranquille, faites ce que vous voudrez. » On ajouta immédiatement un caractère, de façon adonner à la phrase le sens que voici : « La doctrine des Européens est très-différente de la doctrine de Confucius et de Meng-tse : elle est mauvaise et fausse. » Quoi qu’il en soit, un exprès fut envoyé au roi pour lui annoncer la soumission de Xavier. Le lieu de son exil fut immédiatement changé, et il eut ordre de se rendre à la ville de Niei-san. Hélas ! il n’eut