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pour l’exhorter au regret de son crime, mais cette tradition n’est appuyée sur aucun document authentique.

Espérons néanmoins que Dieu aura fait miséricorde à celui dont le zèle et les grandes qualités ont tant servi à introduire et propager l’Évangile en Corée, et qu’à l’instant suprême, il lui aura accordé la grâce du repentir.

Cependant la foi du petit troupeau, ébranlée un instant, n’était point anéantie. Si la chrétienté était dans le deuil à l’occasion de l’apostasie de quelques-uns de ses membres, elle était en même temps consolée par la constance du plus grand nombre au milieu des persécutions domestiques, souvent plus difficiles à supporter que celles des juges et des bourreaux. Les conversions se multipliaient. Louis de Gonzague Tan-ouen-i, le disciple de Xavier Kouen, continuait à prêcher l’Évangile dans la plaine du Naï-po. Ses grands talents, joints à un don particulier de captiver les âmes, lui attiraient chaque jour de nouveaux auditeurs, et bien peu résistaient à ses prédications. Aussi le nombre des chrétiens augmentait considérablement dans cette province. Ce n’étaient plus seulement des familles de nobles et de lettrés qui embrassaient la foi ; les cultivateurs, les hommes de labeur, les gens du bas peuple, les pauvres, recevaient, eux aussi, le don de Jésus-Christ. Ils arrivaient de loin, en foule, pour entendre la bonne nouvelle, et demeuraient souvent plusieurs jours, nourris et logés par les chrétiens. Un de ces derniers, nommé Ouen Tong-tsi, qui plus tard reçut la couronne du martyre, est resté célèbre pour sa généreuse hospitalité. Il recueillait et traitait chez lui un grand nombre des auditeurs de Louis de Gonzague, et c’est alors que prit naissance ce dicton populaire : « On va chercher la science dans la maison de Ni Tan-ouen-i comme on va chercher la nourriture dans celle de Ouen Tong-tsi. »

De son côté, François-Xavier Kouen, qui s’occupait toujours très-activement à la prédication, sentit le besoin de se retirer quelque temps dans la solitude. Il avait compris à l’école de l’Esprit-Saint qui fut en cela son seul maître, qu’avant tout il faut se sanctifier soi-même, si l’on veut être utile aux autres. Dans ce but, il forma la résolution de faire une retraite spirituelle en règle, et pour exécuter plus facilement son dessein, il quitta momentanément sa famille, et se retira secrètement dans une pagode déserte située dans les montagnes Liong-Moun-Son. Un seul de ses amis, Justin T’sio, dit Tong-seum-i, l’accompagnait. Arrivés dans la pagode, ils convinrent de ne pas se dire un seul mot, pendant tout le temps de la retraite. Ils y passèrent huit