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bastonnade, d’un mari qui se dispute avec sa femme, etc., il imitera alternativement le ton grave et solennel du magistrat, les plaintes, les cris de celui qui est battu, la voix du mari, le fausset de la femme, les rires de celui-ci, les gestes étranges de celui-là, la stupéfaction d’un autre, assaisonnant le tout de compliments, de bons mots, de lazzis et de pasquinades de toute espèce. Il y a beaucoup de livres ou recueils d’anecdotes que ces artistes étudient continuellement, mais ceux qui ont du talent ne s’astreignent point aux scènes ainsi préparées ; ils les changent et les entremêlent avec adresse, y introduisent, séance tenante, des pointes, des allusions, des plaisanteries appropriées à l’auditoire, et conquièrent ainsi une réputation qui peut les conduire à la fortune. On les invite aux réunions d’amis, aux fêtes de famille ; ils ne manquent jamais d’accompagner dans leurs visites officielles les nouveaux dignitaires, ainsi que les candidats heureux des examens publics, et dans chaque maison on leur donne quelque argent. Les hommes seuls font ainsi le métier de comédien.

Le jour de l’an est une des plus grandes fêtes pour toutes les classes de la société coréenne, et la manière de le célébrer offre une certaine analogie avec nos usages d’Europe. La plupart des travaux sont interrompus dès le troisième jour qui précède la fin de l’année, afin de donner à tous le temps de regagner le toit paternel ou de rejoindre leur famille. Très-peu de personnes passent cette époque hors de leurs maisons, et si quelque pauvre portefaix ou commissionnaire est forcé par des retards malencontreux de séjourner dans une auberge le jour de l’an, presque toujours l’aubergiste lui donne la nourriture gratis. À cette époque les mandarins évitent de faire des arrestations, et leurs tribunaux sont fermés. Il y a plus : beaucoup de prisonniers, détenus pour des affaires de peu d’importance, obtiennent un congé plus ou moins long, afin d’aller rendre leurs devoirs à leurs parents vivants et morts. Les fêtes passées, ils doivent d’eux-mêmes revenir, et reviennent en effet, se constituer prisonniers.

Habituellement, d’après les règles de l’étiquette, on se fait deux salutations : la première, le soir du dernier jour de l’an, ce qu’ils appellent le salut de l’année qui finit ; la seconde, le matin du premier jour, c’est le salut de l’année qui commence. Cette dernière salutation seule est absolument de rigueur, et personne ne s’en dispense. Elle se fait à tous les parents, supérieurs, amis et connaissances. Y manquer serait provoquer infailliblement une rupture, ou un refroidissement marqué dans