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donner qu’on le leur demande ; le plus souvent, ils se hâtent de le porter eux-mêmes, et ne veulent point en recevoir le prix. Les instruments de jardinage ou de labour sont toujours à la disposition de qui vient les demander, et souvent même, excepté pendant la saison des travaux, les bœufs se prêtent assez facilement.

L’hospitalité est considérée par tous comme le plus sacré des devoirs. D’après les mœurs, ce serait non-seulement une honte, mais une faute grave, de refuser sa part de riz à quiconque, connu ou inconnu, se présente au moment du repas. Les pauvres ouvriers qui prennent leur nourriture sur le bord des chemins, sont souvent les premiers à offrir aux passants de la partager avec eux. Quand, dans une maison quelconque, il y a une petite fête ou un repas solennel, tous les voisins sont toujours invités de droit. Le pauvre qui doit aller pour ses affaires dans un lieu éloigné ou visiter à de grandes distances des parents ou amis, n’a pas besoin de longs préparatifs de voyage. Son bâton, sa pipe, quelques bardes dans un petit paquet pendu à l’épaule, quelques sapèques dans sa bourse, si toutefois il a une bourse et des sapèques à mettre dedans, voilà tout. La nuit venue, au lieu de se rendre à l’auberge, il entre dans quelque maison dont les appartements extérieurs sont ouverts à tout venant, et il est sûr d’y trouver de la nourriture et un gîte pour la nuit. Quand l’heure du repas arrive, on lui donne sa part ; il a pour dormir un coin de la natte qui recouvre le plancher, et un bout du morceau de bois qui, appuyé contre la muraille, sert d’oreiller commun. S’il est fatigué, ou que le temps soit trop mauvais, il passera ainsi quelquefois un ou deux jours, sans que l’on songe à lui reprocher son indiscrétion.

En ce bas monde, les meilleures choses ont toujours un mauvais côté, et les habitudes toutes patriarcales que nous venons de décrire, produisent bien quelques inconvénients. Le plus grave est l’encouragement qu’elles donnent à la fainéantise d’une foule de mauvais sujets, qui spéculent sur l’hospitalité publique, et vivent en flânant de côté et d’autre dans une complète oisiveté. Quelques-uns des plus effrontés viennent s’établir, pendant des semaines entières, chez les gens riches ou aisés, et se font même donner des vêtements que l’on n’ose pas refuser de peur d’être ensuite injurié et calomnié par eux. On dit que, dans la province de Pieng-an surtout, ces cas sont assez fréquents. Dans les montagnes du Kang-ouen, on voit des bandes entières s’établir dans un village, y vivre deux ou trois jours aux frais des