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plier à tous ses caprices, et à rire de tous ses défauts, de tous ses vices, sans jamais le corriger. En dehors du soin de leur progéniture, les femmes nobles n’ont rien à faire qu’à diriger leurs servantes, et maintenir l’ordre dans les appartements intérieurs. Leur vie s’écoule presque tout entière dans l’inaction la plus complète. Mais les femmes du peuple ont une rude besogne. Elles doivent préparer les aliments, confectionner les toiles, en faire des habits, les laver et blanchir, entretenir tout dans la maison, et de plus, pendant l’été, aider leurs maris dans tous les travaux de la campagne. Les hommes travaillent au temps des semailles et de la moisson, mais en hiver ils se reposent. Leur seule occupation alors est de couper sur les montagnes le bois nécessaire pour le feu ; le reste de leur temps se passe à jouer, fumer, dormir, ou visiter leurs parents et amis. Les femmes, comme de véritables esclaves, ne se reposent jamais.

L’injuste inégalité entre les sexes continue, même après que le mariage est finalement dissous par la mort d’un des conjoints. Le mari porte le demi-deuil, après la mort de sa femme, pendant quelques mois seulement, et peut se remarier aussitôt. La femme au contraire, surtout dans les hautes classes, doit pleurer son mari et porter le deuil toute sa vie. Ce serait une infamie pour une veuve de bon ton, si jeune qu’elle soit, de se remarier. Le roi Sieng-tsong, qui régna de 1469 à 1494, interdit les examens publics aux enfants des femmes nobles mariées en secondes noces, et défendit de les admettre à aucun emploi. Aujourd’hui encore, ils sont considérés par la loi comme des enfants illégitimes.

De cette prohibition inique des secondes noces résultent nécessairement de graves désordres, chez un peuple aussi brutalement passionné que les Coréens. Les jeunes veuves nobles ne se remarient point, mais presque toutes sont, publiquement ou secrètement, les concubines de ceux qui veulent les nourrir. D’ailleurs, celles qui s’obstinent à vivre honnêtement dans la solitude sont très-exposées. Tantôt on les enivre à leur insu, en jetant des narcotiques dans leur boisson, et elles se réveillent déshonorées, à côté d’un scélérat qui a abusé d’elles pendant leur sommeil ; tantôt on les enlève de force pendant la nuit, à l’aide de quelques bandits soudoyés ; et quand, d’une manière ou d’une autre, elles ont été une fois victimes de la violence de celui qui les convoite, il n’y a plus de remède possible : elles lui appartiennent de par la loi et la coutume. On voit quelquefois de jeunes veuves se donner la mort aussitôt après les funérailles de leur mari, afin de mieux prouver leur fidélité, et de mettre leur