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tions suivies avec son mari, point de confidences, jamais l’ombre de cordialité. Vis-à-vis de son beau-père, l’usage est encore plus sévère ; souvent elle passe des années entières sans oser lever les yeux sur lui ou lui adresser la parole, sinon pour lui donner de loin en loin quelque brève réponse. Avec sa belle-mère elle est un peu plus à l’aise, et se permet quelquefois de petites conversations ; mais, si elle est bien élevée, ces conversations seront rares et de peu de durée. Inutile d’ajouter que les chrétiens de Corée ont laissé de côté la plupart de ces observances ridicules.

D’après tout ce que nous venons de dire, on comprend combien rares doivent être en Corée les mariages heureux, les unions bien assorties. La femme n’a que des devoirs envers son mari, tandis que celui-ci n’en a aucun envers elle. La fidélité conjugale n’est obligatoire que pour la femme. Si insultée, si dédaignée qu’elle soit, elle n’a pas le droit de se montrer jalouse ; l’idée même ne lui en vient pas. D’ailleurs, l’amour mutuel entre les époux est un phénomène que les mœurs rendent presque impossible. Les bienséances tolèrent qu’un mari respecte sa femme et la traite convenablement ; mais on se moquerait cruellement de celui qui lui donnerait une marque d’affection véritable, et qui l’aimerait comme la compagne de sa vie. Elle n’est et ne doit être, pour un homme qui se respecte, qu’une esclave d’un rang un peu plus élevé, destinée à lui donner des enfants, à surveiller l’intérieur de la maison, et à satisfaire quand il lui plaît ses passions et ses appétits naturels. Parmi les nobles, le jeune marié après avoir passé trois ou quatre jours avec sa nouvelle épouse, doit la quitter pour un temps assez long, afin de prouver qu’il ne fait pas d’elle trop grand cas. Il la laisse dans un état de veuvage anticipé, et se dédommage avec des concubines. En agir autrement serait de mauvais goût. On cite des nobles, qui pour avoir laissé échapper quelques larmes à la mort de leur femme, ont été obligés de s’absenter pendant plusieurs semaines des salons de leurs amis où l’on ne cessait de les poursuivre de quolibets.

Parmi les femmes, un certain nombre acceptent cet état de choses avec une résignation exemplaire. Elles se montrent dévouées, obéissantes, soigneuses de la réputation et du bien-être de leurs maris. Elles ne se révoltent pas trop contre les exigences souvent tyranniques et déraisonnables de leurs belles-mères. Habituées dès l’enfance à porter le joug, à se regarder elle-mêmes comme une race inférieure, elles n’ont pas même l’idée de protester contre les usages établis, ou de briser les préjugés dont elles sont victimes. Mais beaucoup d’autres femmes se laissent