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Les jeunes filles au contraire sont enfermées dans les salles intérieures, où doit se faire leur éducation, où elles doivent apprendre à lire et à écrire. On leur enseigne qu’elles ne doivent plus jouer avec leurs frères et qu’il est inconvenant pour elles de se laisser apercevoir des hommes, de sorte que, peu à peu, elles cherchent d’elles-mêmes à se cacher.

Ces usages se conservent pendant toute la vie, et leur exagération a complètement détruit la vie de famille. Presque jamais un Coréen de bon ton n’aura de conversation suivie même avec sa propre femme, qu’il regarde comme infiniment au-dessous de lui. Jamais surtout il ne la consultera sur rien de sérieux, et quoique vivant sous le même toit, on peut dire que les époux sont toujours séparés, les hommes conversant et se délassant ensemble dans les salles extérieures, et les femmes recevant leurs parentes ou amies dans les appartements qui leur sont réservés. La même coutume, basée sur le même préjugé, empêche les gens du peuple de rester dans leurs maisons quand ils veulent prendre un instant de récréation ou de repos. Les hommes cherchent leurs voisins, et, de leur côté, les femmes se réunissent à part.

Parmi les nobles, quand une jeune fille est arrivée à l’âge nubile, ses propres parents, excepté ceux du degré le plus rapproché, ne sont plus admis ni à la voir ni à lui parler, et ceux qui sont exceptés de cette loi ne lui adressent la parole qu’avec la plus cérémonieuse retenue. Après leur mariage, les femmes nobles sont inabordables. Presque toujours consignées dans leurs appartements, elles ne peuvent ni sortir, ni même jeter un regard dans la rue, sans la permission de leur mari ; et de là, pour beaucoup de dames chrétiennes, surtout en temps de persécution, l’impossibilité absolue de participer aux sacrements. Cette séquestration jalouse est portée si loin, que l’on a vu des pères tuer leurs filles, des maris tuer leurs femmes, et des femmes se tuer elles-mêmes, parce que des étrangers les avaient touchées du doigt. Mais très-souvent aussi, cette réserve ou cette pudeur exagérée produit les inconvénients qu’elle est destinée à éviter. Si quelque libertin effronté parvient à pénétrer secrètement dans l’appartement d’une femme noble, elle n’osera ni pousser un cri, ni opposer la moindre résistance qui pourrait attirer l’attention ; car alors, coupable ou non, elle serait déshonorée à tout jamais, par le seul fait qu’un homme est entré dans sa chambre, tandis que, la chose restant secrète, sa réputation est sauve. D’ailleurs, si elle résistait, personne ne lui en saurait gré, pas