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La corporation la plus méprisée est celle des valets de bouchers ou abatteurs de bœufs. Le bœuf étant un animal absolument nécessaire pour la culture et le transport des fardeaux, une loi très-ancienne défend de le tuer sans permission du gouvernement, et l’opinion publique, d’accord avec la loi, regarde l’acte de tuer un bœuf comme le plus avilissant de tous. Les abatteurs de bœufs forment donc une classe à part, plus dégradée aux yeux de tous que les esclaves eux-mêmes. Ils ne peuvent demeurer dans l’intérieur des villages ; ils vivent en dehors de la population qui les repousse avec horreur, et ne se marient qu’entre eux. C’est parmi eux que sont pris les exécuteurs des hautes œuvres. Seuls ils ont le droit d’abattre les bœufs, et tout autre Coréen qui le ferait serait chassé de son village et de sa famille, et forcé de se réfugier chez eux. Il est bon de noter en passant que le mépris public n’atteint que ceux qui tuent l’animal, et nullement les bouchers qui en vendent la viande. Ceux-ci sont de gros personnages nommés par les mandarins, auxquels ils payent un impôt très-lourd afin de conserver leur monopole. Tout autre individu qui ferait abattre un bœuf, aurait à payer une amende de 54 à 56 francs, prix ordinaire d’un petit bœuf.

Le nombre des esclaves est aujourd’hui bien moins considérable qu’autrefois, et va toujours en diminuant. On n’en rencontre plus guère, au moins dans les provinces centrales, que chez les grandes familles nobles. Sont esclaves : ceux qui naissent d’une mère esclave ; ceux qui se vendent ou sont vendus par leurs parents comme tels ; enfin les enfants abandonnés qui sont recueillis et élevés ; mais dans ce dernier cas l’esclavage est personnel, et les enfants de celui qui a ainsi perdu sa liberté, naissent libres. L’esclavage est très-doux dans ce pays ; généralement on ne garde et on n’emploie comme esclaves que les jeunes gens, surtout les jeunes filles pour le service intérieur de la famille. Quand ils sont en âge de se marier, les garçons sont le plus souvent laissés libres de se retirer où ils voudront, à seule charge de payer au maître une espèce de capitation annuelle ; d’autres fois, le maître les garde auprès de lui et les marie à quelqu’une de ses esclaves. Les filles demeurent dans la famille du maître, et après leur mariage habitent une petite maison à part. Elles sont astreintes à quelques travaux, et tous leurs enfants appartiennent au maître.

Le maître a droit de vie et de mort sur ses esclaves ; néanmoins, s’il usait de ce droit dans les circonstances ordinaires, ou même s’il les frappait trop violemment, il serait justiciable des