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famille, et s’il ne montre pas assez d’empressement, les plus avides mettent en usage divers moyens de se procurer de l’argent à ses dépens. Le plus souvent, ils se présentent chez un des receveurs subalternes du mandarin, pendant l’absence de celui-ci, et demandent une somme quelconque. Naturellement, le receveur proteste qu’il n’a pas en caisse une seule sapèque ; on le menace, on lui lie les bras et les jambes, on le suspend au plafond par les poignets, on lui inflige une rude bastonnade, et on parvient à lui extorquer l’argent demandé. Plus tard, le mandarin apprend l’affaire, mais il est obligé de fermer les yeux sur un acte de pillage, qu’il a peut-être commis lui-même avant d’être fonctionnaire, ou qu’il est prêt à commettre demain, s’il perd sa place.

Les emplois publics étant, pour la noblesse coréenne, la seule carrière honorable et souvent le seul moyen de vivre, on comprend aisément quelle nuée de flatteurs, de parasites, de pétitionnaires, de candidats malheureux, d’acheteurs de places, doivent encombrer jour et nuit les salons des ministres et autres grands dignitaires de qui dépendent les nominations. Cette foule de mendiants avides spécule sur leurs passions, flatte leur orgueil, et met constamment en jeu, avec plus ou moins de succès, mais toujours sans le moindre scrupule, toutes les intrigues, toutes les flatteries, toutes les caresses, toutes les ruses dont la bassesse humaine est capable.

M. Pourthié, l’un des missionnaires martyrisés en 1866, s’est amusé à décrire en détail, dans une de ses lettres, l’espèce la plus commune de ces solliciteurs, ceux qu’on appelle moun-kaik. Son récit, quoiqu’un peu long, met si bien en relief divers aspects intéressants du caractère coréen, que nous le donnons tout entier.

« Le moun-kaik, comme l’indique son nom, est un hôte qui a ses entrées dans les salons extérieurs ; mais on applique plus spécialement cette dénomination aux individus pauvres et désœuvrés, qui vont passer leurs journées dans les maisons des grands, et qui, à force de ramper et de prodiguer leurs services, parviennent à recevoir, en récompense, quelque dignité. Il y a différentes catégories de moun-kaik, selon le degré de noblesse ou les prétentions. Autres sont ceux qui hantent le palais du roi, autres ceux qui entourent un petit mandarin ; mais tous se ressemblent.

« Dès que le moun-kaik a trouvé un prétexte plausible pour s’introduire chez le ministre, le mandarin, ou le noble dont il convoite la faveur, un soin unique le préoccupe : c’est celui de