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formaient une classe à part et très-inférieure, sont devenus tellement nombreux et puissants, qu’ils ont peu à peu usurpé tous les privilèges des véritables nobles. En 1857, un décret royal a renversé les dernières barrières qui les séparaient des enfants légitimes, en leur reconnaissant, comme à ceux-ci, le droit de parvenir à presque toutes les dignités du royaume. Quelques-unes sont encore exceptées, par un reste de respect pour les anciennes coutumes, mais l’exception ne peut tarder à disparaître complètement. Néanmoins, les vrais nobles conservent toujours au fond du cœur un grand mépris pour ces parvenus, mépris qui se manifeste assez fréquemment, bien que, dans les relations ordinaires de la vie, ils soient obligés de les traiter avec toutes les formes habituelles du respect et de l’étiquette.

Le dévergondage des mœurs n’a pas été la seule cause de cette révolution importante dans les coutumes de l’aristocratie coréenne. Les luttes violentes entre les partis politiques, et par suite l’avantage énorme pour les grandes familles d’avoir le plus possible de partisans, y ont puissamment contribué. Les bâtards nobles, quoiqu’ils se marient généralement sans distinction de partis civils, sont toujours comptés comme appartenant à la famille de leurs pères respectifs. C’est cette famille qui les pousse dans les emplois, les protège contre les mandarins criminels quand ils ont commis quelque délit, et en retour, ces hommes naturellement frondeurs, audacieux et turbulents, lui prêtent un puissant concours en temps de troubles et de commotions politiques.

Tous les nobles ont certains privilèges communs, tels que celui de ne pas être inscrits sur les rôles de l’armée, celui de l’inviolabilité pour leurs personnes et leurs demeures, celui de porter chez eux le bonnet de crin qui est le signe distinctif de leur rang, etc. Cependant, il y a dans la noblesse divers degrés plus ou moins élevés. Les familles de ceux qui ont rendu à l’état quelque service signalé, ou accompli quelque grand acte de dévouement à la personne du roi, ou acquis une réputation exceptionnelle de science, de piété filiale, etc., sont beaucoup plus influentes que les autres, et accaparent les principales charges de la cour. Les princes du sang et leurs descendants ont, en tant qu’ils appartiennent à la famille royale, des titres honorifiques très-fastueux, mais jamais d’emplois importants. Les rois de Corée, comme tous les rois absolus, sont trop jaloux de leur autorité, et trop soupçonneux de complots vrais ou faux, pour leur laisser la moindre participation à l’exercice du pouvoir.