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avaient repris, à travers la cour, leurs promenades à grandes enjambées, leurs discussions et leurs silences amicaux. « Saint-Denis, que penses-tu du monde ? » Jacques s’aperçoit que Saint-Denis ne connaît pas le monde ; ce garçon aux ongles et aux cheveux bien tenus commet tous les excès de langage et, aux yeux de Dieu, il ignore le monde et presque le péché. Saint-Denis ne peut répondre.

Reste le Père Vincent. Jacques ne se résout pas sans quelque hésitation à traiter, avec le Père, un sujet qui touche de si près à la question essentielle. On ne ruse pas avec le Père Vincent. Il faudra pénétrer un jour au cœur de la cité interdite ; aujourd’hui, Jacques a tout prévu pour que l’entretien s’arrête à temps.

— Père, je tenais à vous remercier. Vous avez dit la messe plusieurs fois pour papa…

Le Père s’enquiert de Monsieur Richard. Jacques, en parlant de son père avec Saint-Denis, a tiré de son cœur un flot brûlant de souvenirs. Avec le Père Vincent, c’est la sécheresse, et il a l’impression de trahir la mémoire du disparu. Son admiration aurait-elle perdu sa fécondité ? André inquiète le Père ; il est d’une nervosité qui s’accommode difficilement de la discipline des petits. Jacques écoute mal ; sa conscience est tranquille de ce côté ; il s’agit bien des peccadilles d’André ! Le Père parle des fêtes de Noël, et des vacances prochaines, mais Jacques n’entend pas ; un pensionnaire peut-il prendre des vacances à cinq cents milles de chez-lui ? D’ailleurs il n’est pas venu pour cela.