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CÉSAR FRANCK

dont je devins élève du père Franck, mais qui pourra donner l’idée de son attirante franchise.

Après avoir terminé mon cours d’harmonie et aligné quelques pénibles contrepoints, je me figurais être assez instruit pour pouvoir écrire et, ayant à grand’peine couché sur du papier à musique un informe quatuor pour piano et instruments à cordes, je demandai à Franck, auquel mon ami Duparc m’avait présenté quelque temps auparavant, un rendez-vous qu’il ne me fit point attendre.

Lorsque j’eus exécuté devant lui un mouvement de mon quatuor (que je pensais bénévolement être de nature à m’attirer ses félicitations), il resta un moment silencieux, puis, se tournant vers moi d’un air triste il me dit ces paroles que je n’ai pu oublier, car elles eurent une action décisive sur ma vie : « Il y a de bonnes choses, de l’entrain, un certain instinct du dialogue des parties…, les idées ne seraient pas mauvaises…, mais… ce n’est pas suffisant, ce n’est pas fait… et, en somme, vous ne savez rien du tout ! » — Puis, me voyant très mortifié de ce jugement auquel je ne m’attendais guère, il entreprit de m’en expliquer les raisons et termina en me disant : « Revenez me voir ; si vous voulez que nous travaillions ensemble, je pourrai vous apprendre la composition… »