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L’ARTISTE ET L’ŒUVRE MUSICAL

ment désiré. Aussitôt il se met au travail ; mais cela ne va point tout seul…, les retouches succèdent aux retouches et il semble bien que le compositeur ne soit tout d’abord pas très fixé sur le style musical à employer, il tâtonne, et ces tâtonnements sont restés sensibles, surtout dans la première partie de l’œuvre.

Cependant le prologue était venu assez vite et, à l’automne de l’année 1870, les deux premières Béatitudes étaient arrêtées musicalement. Pendant l’hiver de 1871, n’ayant point l’esprit assez libéré de l’angoisse qui pesait alors sur tous les cœurs français, et ne pouvant penser à créer du nouveau, il consacre ses heures de liberté à écrire l’instrumentation de ces premières parties qu’il termine en plein bombardement de Paris. Après l’intermède causé par la composition de Rédemption, il se remet à l’ouvrage et écrit le troisième chant, celui de la Douleur, qui parait déterminer une sûre direction au point de vue du style de l’œuvre, puis c’est l’hymne sublime à la Justice, confiée à la voix d’un ténor soliste et dont le brouillon porte la date de 1875 ; enfin, rien ne le distrait plus jusqu’au complet achèvement, dans l’automne de 1879. Il avait mis dix ans à édifier le monument.

Mais ce fut seulement longtemps après cet achèvement qu’eut lieu la première exécution