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LUDWIG VAN BEETHOVEN

violent et à en opérer l’entière conquête. — L’Andante, généralement mal compris, même par les exécutants doués de bonnes intentions, est d’une grande beauté, en sa monotonie voulue, mais il faut savoir trouver et rendre la si intime expression de la seconde idée… Beethoven reprend ici un type d’andante qu’il avait beaucoup employé, puis abandonné depuis plus de vingt ans, et il sait le doter d’une nouvelle jeunesse. La Cavatine est comme le souvenir effacé, mais encore plein d’émotion, de deux chefs-d’œuvre antérieurs. Par sa teinte générale, elle rappelle la poésie triste du chant élégiaque, op. 118, et, par sa construction, le grand thème d’Adagio de la Symphonie avec chœurs. — Le finale est une des rares pièces constituées à trois idées. Ainsi que dans la symphonie héroïque, le troisième thème entre par un ton éloigné, comme un étranger, mais, bien que provenant d’un pays si lointain, il s’établit enfin dans le même lieu que les deux autres thèmes, par une sorte de miracle de construction. Ce finale est la dernière composition achevée de Beethoven. — C’était la Grande fugue, op. 133, qui, dans l’esprit du maître, devait servir de péroraison au colossal XIIIe quatuor. Mais il se résigna à la publier à part sur les instances des éditeurs. L’œuvre est extraordinairement intéressante et on se demande pourquoi l’on ne songe jamais à l’exécuter à sa place, c’est-à-dire à la fin du quatuor. C’est une lutte entre deux sujets, l’un doucement mélancolique et bien proche parent du thème-clef du XVe quatuor, l’autre empreint de la plus exubérante gaieté. Et c’est encore de la très belle musique.