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LE ROI

— J’y mettrai ordre. Au fait ! leur dirai-je ; apportez-moi des actes ! Les plus vilains malfaisants sont les gens d’administration, de justice, magistrats, parlementeurs, avocats et autres : ils n’ont qu’une plume, et cependant il n’y a personne qui se puisse vanter de voler aussi bien qu’eux. Gare à nous, les chafouins s’approchent.

Il était en tête, à cheval, cendré de poudre à canon, la veste en désordre, embarbouillé de sang glorieux, trop las pour entendre un prêche et fermé par avance aux déclamations. L’allure des robins l’impatienta.

— Messieurs, dit-il, mes hommes ont faim, soif et sommeil. Soyez brefs.

Les magistrats s’inclinèrent, un commença :

— Nous allons démontrer à Sa Majesté, en un exorde et trois points, que cette ville est assujettie à Elle par le droit divin et le droit romain, et…

— Ajoutez par le droit canon, dit le Béarnais, ce sera très bien démontré. S’il vous plaît, messieurs…

Et poussant son cheval au travers des robes, il vint à la ville, but, s’y établit quatre jours, y laissa garnison, fit sonner trompettes et partit en hâte vers la cité d’Eu. L’armée riait de ces façons.

— Voilà un roi !

— Avec vous, sire, les hommes ne marchent pas, ils bondissent, ils ne rêvent plus qu’escalades, on s’arrête à peine qu’ils grincent des dents.