Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
95
L’HOMME

du vin frais devant une alose de Bordeaux. Le voici…

Le roi de Navarre, seul, passait au fond de la galerie ; les causeurs hochèrent la tête :

— Vous avez raison, il mange trop. Le roi, en effet, parut gonflé.


À peine, cette année-là, si on l’aperçut. Ses gestes étaient lourds et sa botte appuyait au sol. Le grillon de Pau ne chantait plus.

— Serait-il malade ?

— Non pas, puisqu’il grossit !

Il s’était féru du jeu du paume. Au lieu de se passionner aux mathématiques et aux cartes, il boutait la balle avec les seigneurs.

— Votre Majesté se transforme, elle retrouve goût aux joies de son âge.

— Une pinte de vin de Beaune, une perdrix, disait le Gascon d’une voix terne, avec sur ses genoux quelque dame cointe et mignotte aux verdelettes beautés, c’est l’existence. Ça ! messieurs, jouons !

Et il empoignait le bilboquet.


Prompte métamorphose. Qui avait abattu ce cœur ? En face de ces reproches muets, il levait l’épaule, cynique :

— Rien ne me meut à vivre que le plaisir. Je n’ai pas le fiel d’un loup, moi. Que suis-je ? Un paysan poussé en simplesse.

Ses yeux s’assoupissaient, mornes, dans leurs nids de rides.