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des entrailles de la terre les vieux monuments, recueillir leurs débris et rassembler en un corps de preuves tous les indices des changements physiques qui peuvent nous faire remonter aux différents âges de la nature. C’est le seul moyen de fixer quelques points dans l’immensité de l’espace, et de placer un certain nombre de pierres numéraires sur la route éternelle du temps.

« Le passé est comme la distance ; notre vue y décroît et s’y perdrait de même si l’histoire et la chronologie n’eussent placé des fanaux, des flambeaux aux points les plus obscurs. Mais, malgré ces lumières de la tradition écrite, si l’on remonte à quelques siècles, que d’incertitude dans les faits, que d’erreurs sur les causes des événements ! et quelle obscurité profonde n’environne pas les temps antérieurs à cette tradition ! D’ailleurs, elle ne nous a transmis que les gestes de quelques nations, c’est-à-dire les actes d’une très-petite partie du genre humain ; tout le reste des hommes est demeuré nul pour nous, nul pour la postérité ; ils ne sont sortis de leur néant que pour passer comme des ombres qui ne laissent point de traces ; et plût au ciel que le nom de tous ces prétendus héros, dont on a célébré les crimes ou la gloire sanguinaire, fût également enseveli dans la nuit de l’oubli !

« Ainsi l’histoire civile, bornée d’un côté par les ténèbres d’un temps assez voisin du nôtre, ne s’étend de l’autre qu’aux petites portions de terre qu’ont occupées successivement les peuples soigneux de leur mémoire. Au lieu que l’histoire naturelle embrasse également tous les espaces, tous les temps, et n’a d’autres limites que celles de l’univers.

« La nature étant contemporaine de la matière, de l’espace et du temps, son histoire est celle de toutes les substances, de tous les lieux, de tous les âges ; et quoiqu’il paraisse à la première vue que ses grands ouvrages ne s’altèrent ni ne changent, et que dans ses productions, même les plus fragiles et les plus passagères, elle se montre toujours et constamment la même, puisque à chaque instant ses premiers modèles reparaissent à nos yeux sous de nouvelles représentations, cependant,