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prement de juridiction que sur la partie mathématique, la voie de représentation est la seule dont je puisse user sur le reste : d’ailleurs, M. Diderot a été souvent dans l’impossibilité de faire autrement. Tel auteur qui nous est utile par un grand nombre de bons articles, exige souvent, pour prix de ce qu’il nous donne de bon, qu’on admette aussi ce qu’il fournit de mauvais ; nous nous serions trouvés tout seuls, si nous avions voulu tyranniser nos collègues. C’est un petit ou un grand mal, si vous voulez, que l’on a été forcé d’endurer pour un plus grand bien. Vous ne me parlez plus de vôtre disciple ; en avez-vous des nouvelles ? le voilà plus couvert de gloire que jamais. J’oubliais de vous dire que les Cacouacs sont de l’auteur d’une mauvaise brochure intitulée : l’Observateur hollandais, qui, n’osant plus tourner le roi de Prusse en ridicule depuis ses victoires, s’est jeté sur l’Encyclopédie. Envoyez-moi, je vous prie, par M. de Malesherbes ou autrement, la profession de foi de vos ministres. J’ai proposé à M. de Cubières de leur en faire signer une fort courte : Je reconnais que Jésus-Christ est Dieu, égal et consubstantiel à son père. Ils ne signeront pas cela, me dit M. de Cubières. Si cela est, lui répondis-je, j’ai eu raison ; car vous savez que le consubstantiel est le grand mot, l’homoousios du concile de Nicée, à la place duquel les ariens voulaient l’homoiousios. Ils étaient hérétiques pour ne s’écarter de la foi que d’un iota. O miseras hominum mentes ! Adieu, mon cher et illustre maître ; je vous embrasse de tout mon cœur.


Paris, 15 février 1758.


Diderot ne vous traite pas mieux, mon cher maître, que ses meilleurs et ses plus anciens amis. Pendant tout le temps que j’ai été à Lyon et à Genève, je n’en ai pas eu signe de vie. Il faut lui pardonner comme à Crispin, à cause de l’habitude. Je ne sais quel parti il prendra, mais je sais bien celui qu’il aurait dû prendre. Jusqu’à présent il se borne à dire qu’il ne peut pas continuer sans moi : il me semble qu’il devrait dire plus ; mais ce sont ses affaires. Il ne sait pas tous les dégoûts et toutes les tracasseries qui l’attendent. Au reste, nous n’en sommes pas moins bons amis, et nous le sommes assez pour que je lui fasse les reproches qu’il mérite de son silence à votre égard. Vos papiers sont entre mes mains, et n’en sont pas sortis ; je vous les renverrai, si vous le jugez à propos ; mais vous pouvez être sûr que je ne les laisserai sortir de mes mains que par votre ordre exprès.

Vous me demandez si monsieur et madame une telle ne nous