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Je ne sais quel parti Diderot prendra ; je doute qu’il continue sans moi ; mais je sais que s’il continue, il se prépare des tracasseries et du chagrin pour dix ans. En un mot, il faut qu’on dise de nous :

Non sibi, sed patriæ scripserunt ;
Nec plus scripserunt quàm illa voluit.


C’est une parodie de l’épitaphe du maréchal de Catinat, où il y a vicit au lieu de scripserunt.

Adieu, mon cher et illustre philosophe : je vous embrasse de tout mon cœur. Voilà votre Alcibiade qui revient plus couvert de gale que de gloire, et votre disciple qui traite le Meckelbourg comme il a fait la Saxe. On dit que l’armée autrichienne est détruite par l’affaire du 5 et la prise de Breslau.

P. S. Les libraires n’ont plus d’exemplaires de mes Mélanges ; il faut que je les réimprime. Je tâcherai, en attendant, de vous les trouver ; mon exemplaire est trop raturé pour que je vous l’envoie.


Paris, 28 janvier 1758.


Je suis infiniment flatté, mon très cher et illustre philosophe, du suffrage que vous accordez à l’article Géométrie. J’en ai fait beaucoup d’autres pour ce septième volume, dont je désirerais fort que vous fussiez content, et où j’ai tâché de mettre de l’instruction sans verbiage, tels que Force, Fondamental, Gravitation, Gravité, Forme substantielle, Fortuit, Fornication, Formulaire, Futur contingent, Frères de la charité, Fortune, etc. Vous trouverez aussi, à la fin de l’article Goût, des réflexions sur l’application de l’esprit philosophique aux matières de goût, où j’ai tâché de mettre de la vérité sans déclamation ; car je déteste la déclamation, à votre exemple : mais vous avez bien mieux à faire que de lire tout cela. Envoyez-nous de quoi nous faire lire, et ne nous lisez point.

Oui, sans doute, mon cher maître, l’Encyclopédie est devenue un ouvrage nécessaire, et se perfectionne à mesure qu’elle avance ; mais il est devenu impossible de l’achever dans le maudit pays où nous sommes. Les brochures, les libelles, tout cela n’est rien ; mais croiriez-vous que tel de ces libelles a été imprimé par des ordres supérieurs, dont M. de Malesherbes n’a pu empêcher l’exécution ? croiriez-vous qu’une satire atroce contre nous, qui se trouve dans une feuille périodique, qu’on appelle les Affiches de province, a été envoyée de Versailles à l’auteur avec ordre de l’imprimer ; et qu’après avoir résisté autant qu’il a pu, jusqu’à s’exposer à perdre son gagne-pain, il a