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des deux éloges, je ne les ai fait que parce que les auteurs du Mercure me les ont demandés dans le temps ; que je n’ai eu dans tout cela aucune vue d’intérêt ni de fortune, et point d’autre que de prouver qu’on peut être géomètre et avoir le sens commun, ce qu’il fallait démontrer. Êtes-vous contente à présent, madame, et me condamnerez-vous sur la parole de M. de Saint-Mard ; car selon ce que l’abbé de Cannaye m’écrit, je vois que vous étiez fort en colère. Je lui pardonne cette démarche, parce qu’il n’a point eu d’envie de me désobliger ; je vous pardonne même de l’avoir cru, mais je ne vous pardonnerais pas de le croire encore. Si j’avais eu un moment de temps, j’aurais été vous dire tout cela ; mais je ne fais que passer à Paris : et d’ailleurs, afin de vous ôter tout sujet de plainte, j’aime encore mieux vous écrire et vous signer mes dispositions, que de vous les dire de vive voix. Si je suis à Paris encore quelques jours, j’aurai l’honneur de vous voir et de vous assurer de mon respectueux attachement.

P. S. M. l’abbé de Cannaye vous prie de ne point parler de sa lettre à Saint-Mard.


À LA MÊME.


10 février 1752.


Jattends, madame, avec beaucoup d’impatience, les remarques que vous me promettez. Je les crois d’avance fort justes, et je vous réponds de toute ma docilité. Le déchaînement contre moi et contre mon ouvrage est prodigieux ; l’intérêt que vous y prenez suffirait pour m’en consoler, si je n’avais de la philosophie de reste pour supporter patiemment, et écouter très indifféremment tout le mal que j’en entends dire : mais, ce qui vous surprendra, ce n’est pas tant le mal que j’ai dit des grands, que le bien que j’ai dit de la musique italienne, qui m’a fait une nuée d’ennemis. Je croyais qu’on pouvait aimer jusqu’aux marionnettes inclusivement, sans que cela fît de tort à personne, mais je me suis trompé. Une faction puissante et redoutable, à la tête de laquelle sont Jéliotte et le président Hénault, va clabaudant de maison en maison contre moi. Jugez de toute l’impression que cela m’a fait et combien j’aurais besoin en cette occasion de mon stoïcisme, si je n’avais cru devoir le garder pour des conjonctures encore plus importantes. M. de Forcalquier, dit-on, était aussi fort ulcéré contre moi, je ne sais pas par quelle raison ; pour celui-là il est mort, dieu merci : et nous n’entendrons plus dire à tout le monde, Comment se porte M. de Forcalquier ?