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rendre digne de vous ; il est juste, il est libre, et je ne pouvais le mieux placer qu’à la tête d’un livre dont toutes les pages sont consacrées à la vérité.

Je suis, etc.


AU MÊME.


Sire, votre Majesté a bien voulu recevoir mes premiers hommages dans un temps où elle était principalement connue par des victoires. La philosophie, plus sensible au bonheur des hommes nue frappée de ce qui les éblouit, pardonne aux conquérants le mal qu’ils font à leurs ennemis, à proportion du bien qu’ils font à leurs sujets. Tout ce que Votre Majesté a exécuté depuis six années de paix, pour le bonheur de ses peuples, pour la réformation de la justice, pour les progrès des sciences et du commerce, tout cela, Sire, a convaincu l’Europe entière que vous savez aussi bien régner que vaincre. J’ai consacré l’un de mes ouvrages à Frédéric conquérant ; c’est à Frédéric roi que je présente celui-ci.

Je suis, etc.


AU MÊME.


Paris, juillet 1754.


Sire, la lettre dont Votre Majesté vient de m’honorer ajouterait encore à ma reconnaissance, s’il était possible qu’elle augmentât. Vos bienfaits m’ont honoré bien au-delà de ce que j’aurais osé attendre, et m’ont rendu beaucoup plus riche que je n’avais besoin de l’être ; mais quand j’aurais à me plaindre de l’injustice du sort ou de celle des hommes, ces bienfaits, Sire, auraient suffi pour m’en consoler. Je regarderai comme le plus heureux moment de ma vie, celui où il me sera permis enfin d’aller témoigner à Votre Majesté les sentiments tendres et respectueux dont je suis pénétré pour elle, et je n’oublierai rien pour hâter ce moment que mon cœur désire. Mon amour-propre le redouterait peut-être, si vos bontés, Sire, ne me répondaient de votre indulgence, et si je ne savais d’ailleurs que je dois ces bontés à ma façon de penser bien plus qu’à mes faibles talents. C’est aussi principalement, Sire, par cette façon de penser, par ma reconnaissance et mon attachement inviolable, que je suis jaloux de conserver l’estime de Votre Majesté ; et j’ose me flatter, en me laissant voir tel que je suis, de n’avoir point le malheur de la perdre.

Je suis, etc.