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Arminius, après la retraite des Romains et l’expulsion de Maroboduus[1], voulut se rendre souverain, et révolta des concitoyens libres. Attaqué par eux, il leur fit la guerre avec un succès disputé, et périt par la trahison de ses proches. Vrai libérateur de la Germanie, il avait combattu, non comme tant de rois et de généraux, Rome faible et naissante, mais Rome au faîte de sa gloire ; tantôt vainqueur, tantôt vaincu, jamais soumis. Sa vie fut de trente-sept ans ; sa puissance de douze, et il est encore chanté par les barbares ; mais inconnu aux historiens grecs, qui n’admirent que leur nation, et peu célébré des Romains, qui ne vantent que les vertus anciennes.

On garda Maroboduus à Ravenne ; quand les Suèves remuaient, on les menaçait de ce fantôme de roi ; mais pendant dix-huit ans il ne quitta point l’Italie, et y vieillit obscurément, l’amour de la vie lui ayant fait perdre sa gloire.


HISTOIRE ABRÉGÉE DES LOIS ROMAINES.

Le nombre des accusés grossissait de jour en jour ; les délations perdaient toutes les familles, et on gémissait sous les lois, comme autrefois sous les crimes. Je vais, à cette occasion, développer les principes du droit, et les causes qui ont fait naître cette foule de lois si différentes.

Les premiers hommes, sans vices, sans honte et sans crimes, étaient aussi sans liens et sans châtimens. Leur penchant au bien rendait même les récompenses inutiles ; la justice seule commandait, et non la crainte. Mais l’égalité étant détruite, l’ambition et la violence ayant pris la place de la modération et de l’honneur, on eut des rois, et plusieurs peuples les ont gardés. Quelques États, dès leur origine, ou bientôt las de la monarchie, préférèrent les lois. Les premières furent simples comme les hommes : on distingua celles de Crète par Minos, et de Sparte par Lycurgue ; Solon en donna aux Athéniens de plus nombreuses et de plus réfléchies. Chez nous Romulus eut un pouvoir arbitraire : après lui Numa lia le peuple par la religion et les lois divines. Tullus et Ancus y ajoutèrent quelque chose. Mais Servius Tullius fit le premier des lois qui commandèrent aux rois même.

Tarquin chassé, le peuple employa différens moyens pour

  1. Roi des Suèves, ennemi d’Arminius.