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monde ; d’un homme qui n’a étudié que sa langue, ou de celui qui y a joint l’étude des langues anciennes ; d’un homme de lettres seul ou d’une société de savans, de littérateurs, et même d’artistes ; enfin on pourra juger aisément si, en supposant cet ouvrage fait par une société, tous les membres doivent y travailler en commun, ou s’il n’est pas plus avantageux que chacun se charge de la partie dans laquelle il est le plus versé, et que le tout soit ensuite discuté dans des assemblées générales. Quoi qu’il en soit de ces réflexions que nous ne faisons que proposer, on ne peut nier que le dictionnaire de l’Académie Française ne soit, sans contredit, notre meilleur dictionnaire de langue, malgré tous les défauts qu’on lui a reprochés, défauts qui étaient peut-être inévitables, surtout dans les premières éditions, et que cette compagnie travaille à réformer de jour en jour. Ceux qui ont attaqué cet ouvrage auraient été bien embarrassés pour en faire un meilleur ; et il est d’ailleurs si aisé de faire d’un excellent dictionnaire une critique tout à la fois très-vraie et très-injuste ! Dix articles faibles qu’on relèvera, contre mille excellens dont on ne dira rien, en imposeront au lecteur. Un ouvrage est bon lorsqu’il s’y trouve plus de bonnes choses que de mauvaises ; il est excellent lorsque les bonnes choses sont excellentes ou lorsque les bonnes surpassent de beaucoup les mauvaises. Il n’y a point d’ouvrage que l’on doive plus juger d’après cette règle qu’un dictionnaire, par la variété et la quantité de matières qu’il renferme et qu’il est moralement impossible de traiter toutes également.

Avant de finir sur les dictionnaires de langues, je dirai encore un mot des dictionnaires de rimes. Ces sortes de dictionnaires ont sans doute leur utilité, mais que de mauvais vers ils produisent ! Si une liste de rimes peut quelquefois faire naître une idée heureuse à un excellent poëte, en revanche un poëte médiocre ne n’en sert que pour mettre la raison et le bon sens à la torture.

Dictionnaire de langues étrangères mortes ou vivantes. Après le détail assez considérable dans lequel nous sommes entrés sur les dictionnaires de la langue, nous serons beaucoup plus courts sur les autres, parce que les principes établis précédemment pour ceux-ci, peuvent en grande partie s’appliquer à ceux-là. Nous nous contenterons donc de marquer les différences principales qu’il doit y avoir entre un dictionnaire de langue française et un dictionnaire de langue étrangère morte ou vivante ; et nous dirons de plus ce qui doit être observé dans ces deux espèces de dictionnaires de langues étrangères.

En premier lieu, comme il n’est question ici de dictionnaires