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qui est encore pis : par exemple, une traduction de Tacite dont le style ne serait point vif et serré, quoique bien écrite d’ailleurs, serait en quelque manière un contre-sens perpétuel ; et ainsi des autres. Que de traducteurs sont dans le cas dont nous parlons, surtout dans la plupart de nos traductions.

DÉCHIFFRER.

C’est l’art d’expliquer un chiffre, c’est-à-dire, de deviner le sens d’un discours écrit en caractères différens des caractères ordinaires. Il y a apparence que cette dénomination vient de ce que ceux qui ont cherché les premiers, du moins parmi nous, à écrire en chiffres, se sont servis des chiffres de l’arithmétique ; et de ce que ces chiffres sont ordinairement employés pour cela, étant d’un côté des caractères très-connus, et de l’autre étant très-différens des caractères ordinaires de l’alphabet. Les Grecs, dont les chiffres arithmétiques n’étaient autre chose que les lettres de leur alphabet, n’auraient pas pu se servir commodément de cette méthode : aussi en avaient-ils d’autres ; par exemple, les scytales des Lacédémoniens. (Voy. Plutarque dans la vie de Lysandre.) J’observerai seulement que cette espèce de chiffre ne devait pas être fort difficile à deviner ; car, 1°. il était aisé de voir, en tâtonnant un peu, quelle était la ligne qui devait se joindre par le sens à la ligne d’en bas du papier ; 2°. cette seconde ligne connue, tout le reste était aisé à trouver ; car supposons que cette seconde ligne, suite immédiate de la première dans le sens, fût, par exemple, la cinquième, il n’y avait qu’à aller de là à la neuvième, à la treizième, dix-septième, etc., et ainsi de suite jusqu’au haut du papier, et on trouvait toute la première ligne du rouleau ; 3°. ensuite on n’avait qu’à reprendre la seconde ligne d’en bas, puis la sixième, la dixième, la quatorzième, etc. , ainsi de suite. Tout cela est aisé à voir, en considérant qu’une ligne écrite sur le rouleau, devait être formée par des lignes partielles également distantes les unes des autres.

Plusieurs auteurs ont écrit sur l’art de déchiffrer : nous n’entrerons point ici dans ce détail immense, qui nous mènerait trop loin ; mais, pour l’utilité de nos lecteurs, nous allons donner l’extrait raisonné d’un petit ouvrage de s’Gravesande sur ce sujet, qui se trouve dans le chap. 35 de la seconde partie de son Introductio ad philosophiam , c’est-à-dire de la logique.

s’Gravesande, après avoir donné les règles générales de la méthode analytique, et de la manière de faire usage des hypothèses, applique avec beaucoup de clarté ces règles à l’art de déchiffrer, dans lequel elles sont en effet d’un grand usage.

La première règle qu’il prescrit, est de faire un catalogue