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COLLÈGE.

Nous n’entrerons point ici dans le détail historique de l’établissement des collèges ; ce détail n’est point de l’objet de notre ouvrage, et d’ailleurs intéresserait assez peu le public, il est un autre objet bien plus important dont nous voulons ici nous occuper, c’est celui de l’éducation qu’on y donne à la jeunesse.

Quintilien, un des hommes de l’antiquité qui ont eu le plus de sens et le plus de goût, examine, dans ses Institutions oratoires, si l’éducation publique doit être préférée à l’éducation privée : et il conclut en faveur de la première. Presque tous les modernes qui ont traité le même sujet, depuis ce grand homme, ont été de son avis. Je n’examinerai point si la plupart d’entre eux n’étaient point intéressés par leur état à défendre cette opinion, ou déterminés à la suivre par une admiration trop souvent aveugle pour ce que les anciens ont pensé : il s’agit ici de raison et non pas d’autorité, et la question vaut bien la peine d’être examinée en elle-même.

J’observe d’abord que nous avons assez peu de connaissance de la manière dont se faisait chez les anciens l’éducation tant publique que privée, et qu’ainsi, ne pouvant à cet égard comparer la méthode des anciens à la nôtre, l’opinion de Quintilien, quoique peut-être bien fondée, ne saurait être ici d’un grand poids. Il est donc nécessaire de voir en quoi consiste l’éducation de nos collèges, et la comparer à l’éducation domestique ; c’est d’après ces faits que nous devons prononcer.

Mais avant que de traiter un sujet si important, je dois prévenir les lecteurs désintéressés, que cet article pourra choquer quelques personnes, quoique ce ne soit pas mon intention : je n’ai pas plus de sujet de haïr ceux dont je vais parler, que de les craindre ; il en est même plusieurs que j’estime, et quelques uns que j’aime et que je respecte. Ce n’est point aux hommes que je fais la guerre ; c’est aux abus, à des abus qui choquent et qui affligent comme moi la plupart même de ceux qui contribuent à les entretenir, parce qu’ils craignent de s’opposer au torrent. La matière dont je vais parler intéresse le gouvernement et la religion, et mérite bien qu’on en parle avec liberté, sans que cela puisse offenser personne : après cette précaution, j’entre en matière.

On peut réduire à cinq chefs l’éducation publique ; les humanités, la rhétorique, la philosophie, les mœurs et la religion.

Humanités. On appelle ainsi le temps qu’on emploie dans les