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des ouvrages de goût, parce que de grands hommes, tels que Bayle, Newton, et beaucoup d’autres, ont écrit dans cette langue des ouvrages de science. 6°. De se borner, dans ses critiques, à relever les erreurs de dates, de noms propres, d’une lettre mise pour une autre, d’une virgule de trop ou de moins, et autres méprises de cette espèce, à condition cependant qu’il y sera fort exact, ce qui ne lui arrive pas toujours ; mais de ne pas toucher aux raisonnemens bons ou mauvais, et de s’abstenir de raisonner lui-même le plus qu’il lui sera possible. On vient de voir un échantillon de sa dialectique, en faveur de la latinité des modernes. En voici un autre de cette dialectique, en faveur des moines, qu’il paraît chérir beaucoup. Il prétend (page 172) que des religieux, voués par état à la prière, doivent être plus propres par cette raison même à faire des progrès dans la physique, la géométrie et les autres sciences profanes, parce que S. Thomas nous assure qu’il avait plus appris de théologie dans la prière que dans l’étude. 7°. Enfin, on conseille à ce critique de ne point attaquer grossièrement des hommes tels que M. de Voltaire, dont toutes les satires du chanoine, latines et françaises, ne pourraient effleurer la réputation. De plus forts que cet adversaire y ont échoué, et même s’en sont repentis.

(2). Voici le commencement d’une harangue de ce professeur, prononcée à la rentrée des classes, et qui a pour sujet : De hilaritate magistris in docendo necessaria.

Meditanti mihi justani orationem apud vos plenamque gravitatis, auditores, suspicio incidit, quæ me cum initio movisset parum, confidentiùs tamen existimata fecit, ut omissis gravibus et seriis, maluerim ad jucunda mentem stylumque traducere. Sic cogitabam ipse mecum, animos vestros, longa studiorum intermissione laxatos, paulatim et quibusdam quasi gradibus revocandos esse ad seria, nec protinus gravitate sermonis alienandos. Nimirùm fastidit animus vel optima quæque, nisi tempestive se offerant ; nec facile admittit severitatem, cum semel occupavit hilaritas.

On peut s’assurer que tout le reste du discours, et même les autres harangues prononcées par ce professeur, sont dans ce goût de latinité. Voyez le recueil intitulé : Selectæ Orationes quorumdam celeberrimorum ex Universitate Parisiensi professorum. Paris, 1728. Il me semble qu’aucun moderne, autant encore une fois qu’il nous est permis d’en juger, n’a approché de si près de la manière de Cicéron. Quand on est condamné à écrire en latin, il y a certainement quelque mérite à imiter de la sorte les bons modèles. J’ignore pourquoi ce professeur n’a pas dans l’Université une réputation du moins égale à celle des Hersan, des Rollin, des Coffin et des Grenan. J’ose même le croire supérieur aux Jouvency, aux Commire et aux autres jésuites tant célébrés sur le Parnasse latin moderne. Je remarquerai à cette occasion, qu’un professeur de l’école militaire, très-versé, à ce qu’on assure ; dans la langue latine ; a prétendu récemment, et