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On dira au figuré, le don des langues et le don des larmes, etc. ; et, en général, tout ce qui vient de Dieu s’appelle don de Dieu : c’est une exception à la règle générale.

On dit des talens de l’esprit et du corps, qu’ils sont un don de la nature ; et des biens de la terre, qu’ils en sont des présens. On dit, les dons de Cérès et de Pomone, et les présens de Flore ; parce que les premiers sont de nécessité plus absolue, et les autres de pur agrément.

douleur, chagrin, tristesse, affliction, désolation.

Ces mots désignent en général la situation d’une âme qui souffre. Douleur se dit également des sensations désagréables du corps, et des peines de l’esprit ou du cœur : les quatre autres ne se disent que de ces dernières. De plus, tristesse diffère de chagrin en ce que le chagrin peut être intérieur, et que la tristesse se laisse voir au dehors. La tristesse d’ailleurs peut être dans le caractère ou dans la disposition habituelle, sans aucun objet ; et le chagrin a toujours un sujet particulier.

L’idée d’affliction ajoute à celle de tristesse ; celle de douleur, à celle d’affliction ; et celle de désolation, à celle de douleur.

Chagrin, tristesse et affliction ne se disent guère en parlant de la douleur d’un peuple entier, surtout le premier de ces mots. Affliction et désolation ne se disent guère en poésie, quoique affligé et désolé s’y disent très-bien. Chagrin, en poésie, surtout lorsqu’il est au pluriel, signifie plutôt inquiétude et souci, que tristesse apparente ou cachée.

Je ne puis m’empêcher, à cette occasion, de rapporter ici un beau passage du quatrième livre des Tusculanes, dont l’objet est à peu près le même que celui de cet article.

Ægritudo (dit Cicéron, chapitre 7) est opinio recens mali præsentis, in quo demitti contrahique animo rectum esse videatur… Ægritudini subjiciuntur… angor, mœror, luctus, ærumna, dolor, lamentatio, sollicitudo, molestia, afflictatio, desperatio, et si qua sunt sub genere eodem… Angor est ægritudo premens ; luctus, ægritudo ex ejus qui carus fuerit interitu acerbor ; mœror, ægritudo flebilis ; ærumna, œgritudo laboriosa ; dolor, œgritudo crucians ; lamentatio, œgritudo cum ejulatu ; sollicitudo, œgritudo cum cogitatione y molestia, œgri" tudo permanens ; afflictatio, œgritudo cum vexatione corporis ; desperatio, tie^/vVz/Jo sine ullâ rerum expectatione meliorum. Nous invitons le lecteur à lire tout cet endroit, ce qui le suit, et ce qui le précède ; il y verra avec quel soin et quelle précision les anciens ont su définir, quand ils eu ont voulu prendre la peine. Il se convaincra de plus que. si les anciens avaient pris soin