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Depuis long-temps la nation partage l’estime du prince pour ses vertus.

Le sénat et le peuple romain ont toujours pensé que les grands honneurs sont le prix du mérite éminent, et que plus un citoyen montre de vertus, plus on doit le récompenser. C’est donc l’exemple de nos pères qui a porté le prince à mettre en œuvre les talens de Séjan, et Séjan à partager avec le prince le fardeau de l’Empire ; c’est cet exemple qui a persuadé au sénat et au peuple romain de choisir, pour veiller à sa sûreté, les hommes qui en sont les plus capables.

Mais après avoir présenté le tableau général du gouvernement de Tibère César, montrons-en les diverses parties.

Avec quelle prudence a-t-il su attirer à Rome Rhescuporis, assassin de Cotys, son neveu, et régnant avec lui ? Quel usage n’a-t-il pas su faire, en cette occasion, des talens de Flaccus Pomponius, homme consulaire, né pour les belles actions, et dont la vertu simple mérite la gloire sans la chercher ? Avec quelle gravité il assiste fréquemment au barreau, non comme prince, mais comme sénateur et comme juge ? Avec quelle promptitude a-t-il étouffé les complots pernicieux de l’ingrat Libon ? Quelles sages instructions il a données à son fils Germanicus, son élève dans l’art de la guerre ? De combien d’honneurs il a comblé ce jeune prince, vainqueur de la Germanie, en lui accordant un triomphe dont l’éclat a répondu à la grandeur de ses exploits ? Combien a-t-il fait de largesses au peuple ? Avec quel empressement a-t-il suppléé, quand le sénat l’a permis, à la fortune des sénateurs indigens, sans jamais encourager le luxe, mais pour ne pas fermer à la pauvreté vertueuse la porte des dignités ? Avec quelle activité et quel courage a-t-il arrêté la guerre dont nous menaçaient Sacrovir, chef des Gaulois, et Julius Florus ? Le peuple romain a su la victoire avant la guerre, et le succès avant le péril. La guerre d’Afrique, plus redoutable encore, et qui chaque jour le devenait davantage, n’a-t-elle pas cessé bientôt par ses talens et par sa prudence ?

Qui n’admirera[1] l’exemple de modération qu’il a donné, entre tant d’autres, en se contentant de trois triomphes, quoiqu’il en eut mérité sept de l’aveu public ? Mais on ne sait ce qui doit le plus étonner dans ce prince, ou l’excès de ses travaux et de son courage, ou son peu d’empressement pour en obtenir le prix.

Combien d’ouvrages publics construits en son nom et au nom des siens ! Avec quelle piété il fait élever à son père un temple dont la magnificence surpasse la renommée ! Avec quelle noblesse il a rétabli les monumens même de Pompée, détruits par

  1. Ceci est tiré du chap. 58.