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TRADUCTION DES PORTRAITS DE TIBÈRE ET DE SÉJAN,
PAR VELLÉIUS PATERCULUS.


Les grandes actions de l’empereur, pendant ces seize années, sont encore présentes à tous les esprits et à tous les yeux. Qui pourrait les montrer en détail ? La bonne foi rappelée dans le Forum, la sédition bannie du peuple, la brigue du champ de Mars, la discorde du sénat, la justice, le mérite tirés du mépris et remis en honneur, l’autorité rendue aux magistrats, la grandeur au sénat, la dignité aux jugemens, les factions théâtrales anéanties ; la probité inspirée aux uns, commandée aux autres ; la vertu honorée, le vice puni ; les petits respectant les grands sans les craindre ; les grands supérieurs aux petits sans les mépriser. Quand la cherté des vivres a-t-elle été moindre ? la paix plus heureuse ? Respectable paix, qui, s’étendant jusqu’aux bornes de l’Empire, de l’orient à l’occident, et du nord au midi, ne laisse plus aux brigands un seul coin de la terre à dévaster. L’empereur, par sa libéralité, répare les malheurs des citoyens, ceux même des villes ; celles de l’Asie sont relevées ; les provinces vengées de l’oppression des magistrats, les honneurs assurés aux plus dignes ; les forfaits punis tôt ou tard, la faveur cédant à la justice, et l’ambition à la vertu. C’est en faisant le bien, que ce grand prince en donne des leçons ; supérieur à tous comme maître, et encore plus comme modèle.

Il est rare que les hommes supérieurs n’aient pas eu des coopérateurs illustres pour remplir leurs hautes destinées ; car les grandes affaires exigent de grands ministres.... Il importe à l’État que les hommes nécessaires soient élevés, et l’utilité appuyée du pouvoir.

C’est par ce principe, que Tibère César a choisi, pour l’aider dans ses travaux, Ælius Séjan, dont le père était chef de l’ordre des chevaliers, et qui tient, par sa mère, aux familles les plus anciennes, les plus décorées et les plus illustres, dont le frère, les cousins, l’oncle ont été consuls ; homme d’une fidélité à toute épreuve, d’un travail infatigable, d’une force de corps égale à celle de son âme, joignant à une douce gravité la gaieté de nos pères, d’une activité oisive en apparence, n’aspirant à rien et obtenant tout, se croyant toujours au-dessous de l’opinion publique, tranquille à l’extérieur, et dont l’esprit veille sans cesse.