Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du travail : ingemere agris, illaborare domibus. C’est là, je crois, le vrai sens de ce passage ; et Ton pourrait en citer des garans, par exemple, le Dictionnaire de Novitius, qui traduit illaborare domibus par travailler dans des maisons ; en effet, illaborare domibus paraît la même chose que laborare in domibus. Il y a pourtant des traducteurs qui entendent illaborare domibus, du travail et de la peine de construire des maisons. J’ai adopté le premier sens, non-seulement par les raisons que j’en ai déjà dites, mais encore parce qu’il me semble qu’illaborare domibus est ici analogue à ingemere agris, et qu’ingemere agris marque évidemment le travail pénible des champs. Cependant le second sens est aussi fondé en raison, et peut se développer ainsi : Tacite vient de dire que les peuples dont il s’agit ne vivent que de chasse, et n’habitent que des cabanes faites de branches d’arbres ; et il ajoute que ces peuples préfèrent cette manière de vivre et de se loger, à la peine de moissonner et à celle de bâtir.

(172). De tourmenter par la crainte et par l’espérance sa fortune et celle d’autrui. Cette expression, tourmenter sa fortune, paraîtra sans doute un peu hardie ; mais je n’ai pu rendre autrement l’énergie du latin, suas alienasque fortunas spe metuque versare.

(173). On immola et les auteurs et leurs immortels ouvrages. Le texte porte à la lettre : on sévit non-seulement contre eux, mais aussi contre leurs ouvrages. Cette phrase aurait paru trop extraordinaire dans nos mœurs ; la condamnation d’un ouvrage au feu ne nous paraît pas, comme aux anciens Romains, une flétrissure atroce et un excès de barbarie. On peut voir ce que Sénèque, père du philosophe, dit à ce sujet dans les Déclamations qui nous restent de lui. Tacite semble, en quelque manière, plus indigné de ce qu’on avait brûlé les livres de Rusticus et de Sénécius, que de la mort même à laquelle avaient été condamnés ces deux écrivains illustres : c’est que les Romains étaient élevés dans le mépris de la mort et l’amour de la gloire ; et dans un temps où l’on ne savait pas encore multiplier facilement par l’impression les exemplaires d’un ouvrage, la condamnation de cet ouvrage au feu était regardée comme un acte tyrannique, qui privait à la fois l’auteur de la gloire qu’il aurait pu acquérir de son vivant, et de l’estime de la postérité.

(174). Ici seulement ils ont un général et une armée ; ailleurs, des peuples écrasés d’impôts, etc. Hic dux, hic exercitus ibi tributa, etc. Jai rapporté les premiers mots, avec d’autres traducteurs, au général et à l’armée des Romains ; ce sens me paraît lié avec ce qui précède ; cependant je ne serais point étonné que d’autres rapportassent ces mêmes mots au général et à l’armée des Bretons, et traduisissent de cette sorte : Ici vous avez un général et une armée ; là (en montrant les Romains) vous attendent les tributs et le sort destiné aux esclaves.

(175). Et qu’on exigeait moins sévèrement le reste ; et cætera ut-