Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1o. Au lieu des mots dans une route étroite et glissante, j’aurais pu mettre dans un sentier glissant, le mot sentier indiquant une route étroite, augusta, la phrase eût été plus courte ; mais j’ai craint que le mot augusta, qui se joint dans le texte au mot lubrica, et qui par là augmente la difficulté de la route, ne fût pas assez expressément spécifié dans cette traduction, et que l’idée principale ne portât sur le mot glissant, ce qui ne rendrait pas suffisamment la double idée angusta et lubrica ; j’aurais pu mettre sentier étroit et glissant ; mais sentier étroit aurait été, ce me semble, un pléonasme, défaut qu’on doit surtout éviter dans une version de Tacite.

2o. Dans les éditions précédentes j’avais traduit ainsi : tant la route même de la servitude était étroite et glissante sous un prince, etc. Mais ces mots, la route même de la servitude, renfermaient une espèce d’équivoque, signifiant proprement la route par laquelle on allait à la servitude, au lieu qu’il s’agit ici de la route que la servitude était forcée de suivre pour ne pas déplaire.

3o. Au lieu de la phrase, qui détestait la flatterie et craignait la liberté, j’avais mis dans les éditions précédentes, et craignait la vérité, ce qui forme peut-être un contraste plus précis de vérité avec la flatterie ; mais il y a dans le texte libertatem, qui forme aussi un très-beau contraste, et j’ai cru mieux faire en me conformant scrupuleusement au texte.

4o. J’aurais pu traduire encore ainsi, sous un prince qui repoussait à la fois la flatterie et la vérité ; mais la traduction, quoiqu’elle renfermât une image, aurait été trop éloignée de l’original.

5o. J’aurais pu traduire enfin, tant la flatterie même marchait par un chemin étroit et glissant sous un prince qui la détestait autant que la liberté. Dans cette traduction le mot flatterie aurait un peu inieux répondu (quoique très-imparfaitement) au mot latin oratio, que le mot servitude ; mais la traduction eût été, ce me semble, moins énergique au commencement de la phrase, et moins précise à la fin. Le défaut de précision et d’exactitude aurait été plus grand encore, si j’avais traduit : ainsi la flatterie même n’abordait que par un chemin étroit et glissant sous un prince qui la repoussait presque autant que la vérité ; la traduction était plus pittoresque, mais trop peu fidèle : l’infidélité serait moindre, si l’on finissait ainsi, qui la détestait sans aimer la vérité.

M. l’abbé de La Bletterie traduit : aussi rien de plus étroit et de plus glissant que l’usage de la parole sous un prince, etc.

Un autre écrivain très-estimable traduit : aussi ne restait-il à l’éloquence qu’un sentier étroit et bien glissant sous un prince, etc. Le lecteur décidera entre ces traductions et la mienne.

(67). Il croyait par là s’égaler aux anciens généraux, etc. Le latin dit : quâ gloriâ æquabat se ; comme cette phrase paraît absolue et non ironique, quelques traducteurs ont supposé que Tacite parlait ici sérieusement, et croyaient en effet Tibère aussi grand dans le refus