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décider. J’ai donc cru devoir laisser dans ma traduction l’incertitude du texte, ce qui est ici sans inconvénient, puisqu’il s’agit, en cet endroit, des lois (quelles qu’elles fussent) d’après lesquelles la querelle d’Arminius et de Ségeste devait être jugée.

(30). Ce Crispinus ouvrit une route, etc. Le qui, qui est dans le latin immédiatement après le mot Hispone, paraît se rapporter a Hispo ; mais la suite fait voir, ce me semble, que c’est à Crispinus Cépio qu’il se rapporte : car ce qui se rapporte évidemment (comme le texte le démontre) à celui que Tacite va faire parler ; or celui qu’il va faire parler est Cépio ; Hispo ne parle qu’après, addidit Hispo ; en effet, suivant le récit même de Tacite, Crispinus est ici le principal accusateur, Hispo ne l’est qu’en second, subscribente romano Hispone. Ces sortes d’amphibologies ne sont pas rares dans Tacite, mais elles ne sont pas à imiter. Je dois avouer cependant que plusieurs traducteurs, forcés sans doute par la construction grammaticale, ont rapporté à Hispo ce que je rapporte à Crispinus ; chacun de ces deux sens peut, à la rigueur, être adopté, et il importe assez peu de choisir ici l’un ou l’autre.

(31). La cruauté du maître ; sævitiæ principis. Je traduis ici principis par maître, et non par chef ; parce qu’il ne s’agit plus ici du titre que l’empereur prenait, mais de ce qu’il était réellement. J’ai même quelquefois mis ce terme de prince dans la bouche de Tibère, pour abréger la périphrase chef de l’État ; mais j’avertis ici le lecteur, que dans les lettres et les discours de Tibère, soit au sénat, soit au peuple, le mot prince ne doit jamais avoir que cette dernière signification, au moins apparente et littérale, quoique dans l’intention de l’empereur, et même de fait, il signifiât souverain et maître.

(32). Pour l’honneur de l’État. Peut-être les mots dedecus publicum peuvent-ils aussi s’entendre du déshonneur qu’un mauvais choix aurait fait à Tibère. C’est même ainsi que j’avais traduit dans les autres éditions. Ce qui précède m’a déterminé au sens que j’adopte ici, quoiqu’il ne me paraisse pas indubitable. Si l’on préférait l’autre sens, on pourrait traduire, il craignait de se repentir d’un bon choix, et de se déshonorer par un choix infâme, ou bien, il craignait d’être éclipsé par des gens de bien, et déshonoré par des scélérats.

(33). Il poussa enfin l’indécision jusqu’à faire rester dans Rome des gouverneurs qu’il avait nommés. Les mots non erat passurus, qui sont dans le texte, peuvent signifier, ce me semble, ou que Tibère était résolu de ne pas laisser partir ces gouverneurs, ou que, relativement à l’idée bonne ou mauvaise qu’il avait d’eux, et qui les lui faisait craindre ou mépriser, il n’aurait pas dû les laisser partir, quoiqu’à force d’incertitude il les eût nommés ; et ces deux sens, dont j’avais adopte le second dans les éditions précédentes, peuvent, si je ne me