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naturel) le mot exercuit ; quelque autre équivalent, il exerça la justice à regard des citoyens, et la modération à l’égard des alliés. J’observerai de plus que, dans le cas où l’on adopterait le sens sur lequel je propose ici mes doutes, j’aimerais mieux la modération chez les alliés, que la modestie ; ce dernier mot ne présente pas, ce me semble, une idée aussi nette que celui de modération, qui indiquerait, dans le sens dont il s’agit, que les alliés, sous le règne d’Auguste, avaient été plus modérés dans leurs demandes, qu’ils ne l’étaient auparavant.

(18). De ceux qui en avaient joui. Le texte porte simplement, qui fecere, qui les avaient faites, c’est-à-dire, sans doute, qui en avaient été les exécuteurs sous les ordres d’Auguste. Mais comme les exécuteurs des ordres barbares dont il s’agit, recevaient ordinairement, en tout ou en partie, les biens des proscrits pour récompense, j’ai cru pouvoir ici exprimer cette idée : en effet, il n’aurait pas été surprenant que ceux qui auraient simplement exécuté les proscriptions pour obéir aux ordres d’Auguste, les eussent désapprouvées ; rien n’est plus naturel et plus ordinaire que de blâmer des ordres injustes donnés par un maître ; mais il était surprenant (et c’est sans doute ce que Tacite veut dire) qu’ayant profité de ces proscriptions, ils n’osassent les louer ; il fallait pour cela qu’elles fussent bien évidemment injustes, ou plutôt barbares.

(19). Et par l’espoir d’un parallèle avantageux avec ce méchant prince. Comparatione teterrima sibi gloriam quæsivisse. J’aurais pu traduire encore, à peu près comme dans les éditions précédentes. Et par le désir de la gloire que lui assurait la comparaison avec ce monstre. Mais la phrase aurait été un peu plus longue, et j’ai craint d’ailleurs, 1°. que monstre ne fût ici trop fort, malgré l’énergie du mot teterrima, qui désigne le plus détestable successeur ; 2°. que le mot même de gloire, quoiqu’il réponde au latin gloriam, ne fût ici assez impropre, la comparaison avec l’infâme Tibère ne pouvant tout au plus que faire regretter Auguste, et non lui procurer de grands éloges. C’est aussi pour cela que j’ai mis ici parallèle avantageux, au lieu de parallèle flatteur ; car il est peu flatteur d’être préféré à un méchant prince. Si, par ces raisons, on croyait que le mot gloriam est ici employé par Tacite avec une sorte d’ironie, ce qui n’est pas sans vraisemblance, on pourrait traduire, en conservant cette ironie ; et par l’espoir d’un glorieux parallèle avec ce méchant prince : car glorieux parallèle renferme un sens ironique, que parallèle glorieux n’indiquerait pas.

(20). Sur son extérieur, sa parure et sa conduite ; de habitu cultuque et institutis ejus. Gordon traduit par trois mots anglais qui reviennent à ceux-ci : sur son caractère, sa conduite et ses mœurs ; mais il me semble que le vrai sens des mois latins habitus et cultus