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vainqueurs, et des vaincus : éclairés par votre destin et par le nôtre, vous préférerez à une révolte funeste une soumission tranquille.

Prétendu miracle de Vespasien.

Pendant le séjour de Vespasien à Alexandrie, un homme du peuple , connu pour aveugle, se jette, en gémissant, à ses genoux ; et, par l’inspiration, disait-il, du dieu Sérapis, le plus révéré de cette nation superstitieuse, il supplie l’empereur de lui rendre la vue, en lui frottant de salive les joues et les yeux. Un autre, inspiré de même, et perclus de la main, conjure Vespasien de marcher dessus. D’abord il ne les écoute pas, et se moque d’eux : ces malheureux insistant, d’un côté il craint de se rendre ridicule, de l’autre, leurs instances et la flatterie des courtisans l’encouragent. Enfin il demande aux médecins si cet aveugle et ce paralytique peuvent être guéris par des hommes ; ils répondent vaguement, que l’un est encore susceptible du sentiment de lumière, si l’on détruit les obstacles qui l’en privent ; qu’une force salutaire peut rendre à l’autre l’usage de sa main ; et que peut-être les dieux ont destiné l’empereur à être l’instrument de ce prodige ; que la gloire de réussir sera pour lui, et le ridicule d’échouer, pour ces misérables. Vespasien ne balance plus, et croit tout possible à sa fortune : d’un visage serein, et en présence d’une multitude attentive, il fait ce qu’on lui demande ; aussitôt la main reprend ses fonctions, et l’aveugle revoit la lumière. Les témoins de ce fait l’attestent encore, quoiqu’ils n’aient plus d’intérêt à rien déguiser.


PASSAGES TIRÉS DES MOEURS DES GERMAINS.

Pourrait-on quitter l’Italie, ou l’Asie, ou l’Afrique, pour la Germanie, pays sauvage, climat rigoureux, triste pour qui le voit et l’habite, si ce n’est pas sa patrie ?

Ce climat et ce pays les accoutument à endurer le froid et la faim, mais non la chaleur et la soif.

Les dieux leur ont refusé l’or et l’argent, soit par faveur, soit dans leur colère.

La naissance fait leurs rois, le courage leurs chefs. L’autorité des premiers n’est point arbitraire et sans bornes Les chefs commandent surtout par leur exemple, par l’éclat de leur va-