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montrait peu, comme retenu chez lui par la maladie ou par l’étude.


DISCOURS DE THRASEA CONTRE TIMARCHUS[1].

« L’expérience nous apprend, sénateurs, que les gens de bien savent tirer des fautes d’autrui de sages lois et de bons exemples. La loi Cincia est née de la licence des orateurs ; la loi Julia, de la brigue des candidats ; la loi Calpurnia , de l’avarice des juges ; car le délit précède la punition , et l’on ne se corrige qu’après une faute. Opposons donc à ce nouvel orgueil des provinces une résolution digne de la sagesse et de la vigueur romaine ; nos alliés, sans perdre notre protection, apprendront que chacun de nous a pour juges ses seuls concitoyens.

Autrefois on envoyait non-seulement un consul, un préteur, mais de simples particuliers, pour visiter les provinces et nous rendre compte de leur fidélité ; elles redoutaient ce rapport. Aujourd’hui nous les flattons, nous les caressons ; leur volonté dicte nos accusations ou nos remercîmens. Que les accusations leur restent comme une faible marque de leur crédit ; mais réprimons les louanges fausses et bassement exprimées, comme nous ferions la cruauté ou l’injustice.

On a plus souvent tort en obligeant qu’en offensant le peuple ; il déteste même quelques vertus, la sévérité inflexible, la fermeté inexorable à la faveur. Aussi nos magistrats, d’abord irréprochables, fléchissent à la fin, ambitionnant les suffrages comme des candidats ; qu’on anéantisse ces suffrages, les gouverneurs seront plus justes et plus fermes ; l’accusation de péculat a mis un frein à l’avarice ; la suppression de ces actions de grâces en mettra un à l’ambition . »

Conjuration de Pison, et supplice des conjurés.

L’année des consuls Nerva et Vestinus vit naître et grossir en peu de temps une conjuration, où des sénateurs, des chevaliers, des soldats, et jusqu’à des femmes, entrèrent à l’envi, par haine pour l’empereur, et par intérêt pour Pison. Issu de la maison Calpurnia, et tenant, du côté paternel, à un grand nombre de

  1. Le Crétois Timarchus était accusé d’avoir dit qu’il dépendait de lui de faire rendre grâce par le sénat aux gouverneurs romains de l’île de Crète.