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DES FLUIDES.

déterminé, par une méthode semblable, la résistance qu’un corps solide éprouve, soit dans un fluide élastique, soit dans un fluide dont les parties sont adhérentes entre elles.

Enfin pour ne rien omettre de ce qui pouvait rendre ma théorie plus intéressante et plus générale, j’ai cru devoir exposer aussi la méthode de Newton. Cette méthode consiste, comme l’on sait, à supposer qu’au lieu que le corps vient frapper le fluide, ce soit au contraire le fluide qui frappe le corps, et à déterminer par ce moyen le rapport de l’action d’un fluide sur une surface courbe, à son action sur une surface plane. La difficulté principale est d’évaluer exactement l’action d’un fluide contre un plan. Aussi les plus grands géomètres ne sont-ils point d’accord là-dessus. Cette action vient en grande partie de l’accélération du fluide, qui, obligé de se détourner à la rencontre du plan, et de couler dans un canal plus étroit, doit nécessairement y couler plus vite, et par ce moyen presser le plan. Mais on ignore jusqu’à quelle distance le fluide peut s’accélérer des deux côtés du plan, et par conséquent la quantité exacte de la pression qu’il exerce. C’est là, ce me semble, le nœud principal de la question, et la cause du partage qu’il y a entre les géomètres, touchant la valeur absolue de la résistance.

Voilà ce que j’avais à dire ici sur les principes généraux de la mécanique des fluides, qui font le sujet de la plus grande partie de ce traité. Le reste de l’ouvrage est destiné à l’examen des différens points de la théorie des fluides, qui n’ont peut-être pas été approfondis jusqu’ici avec assez de soin. Telle est en premier lieu la théorie de la réfraction. Tout le monde sait qu’un corps solide qui passe d’un fluide dans un autre, ne continue pas son chemin en ligne droite, mais qu’il s’écarte de sa première route pour décrire une autre ligne, plus ou moins inclinée que la première, à la surface du nouveau milieu dans lequel il est entré. C’est ce qu’on remarque en particulier dans les rayons de lumière, qui se brisent en passant de l’air dans le verre ou dans tel autre corps transparent que ce soit. Ce phénomène, connu d’abord par l’expérience, a beaucoup exercé la sagacité des philosophes. Il paraissait naturel de faire dépendre la réfraction de la lumière des mêmes principes que la réfraction des corps solides qui traversent un fluide. C’est aussi le parti qu’avait pris Descartes, suivi en cela par un grand nombre de physiciens. Quelques raisonnemens vagues et dénués de précision que Descartes avait faits, pour prouver que les principaux phénomènes de la réfraction de la lumière s’expliquaient parfaitement dans ses principes, ont paru et paraissent encore à quelques philosophes des démonstrations exactes et complètes.