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DES FLUIDES.

namique ; mais on en trouvera ici une preuve plus étendue et plus détaillée.

Au reste, quoique Daniel Bernoulli n’ait pas démontré le principe général qui sert de fondement à son ouvrage, on n’en doit pas moins convenir que sa théorie est très-élégante, et qu’il est constamment le premier qui ait entrepris de déterminer le mouvement des fluides par des méthodes sûres et non arbitraires. Aussi suis-je obligé d’avouer ici que les résultats de mes solutions s’accordent presque toujours avec les siens. Il en faut néanmoins excepter un petit nombre de problèmes. Ce sont ceux où cet habile géomètre a employé le principe de la conservation des forces vives pour déterminer le mouvement d’un fluide dans lequel il y a quelque partie dont la vitesse diminue ou augmente en un instant d’une quantité finie. Tel est, entre autres, le problème où il s’agit de trouver la vitesse d’un fluide sortant d’un vase qu’on entretient toujours plein à la même hauteur, en supposant que la petite lame de fluide qu’on ajoute à chaque instant à la surface, reçoive son mouvement du fluide inférieur par lequel elle est entraînée. Il est évident que dans une pareille hypothèse, cette lame de fluide qui n’avait aucune vitesse dans l’instant qu’on l’a appliquée sur la surface, reçoit dans l’instant suivant une vitesse finie égale à celle de la surface qui l’entraîne. Or, sans vouloir examiner si cette hypothèse est conforme à la nature, ou non, il est toujours certain qu’on ne doit point employer le principe de la conservation des forces vives pour trouver le mouvement d’un système de corps, lorsqu’on suppose qu’il y a dans ce système quelque corps dont la vitesse varie en un instant d’une quantité finie. C’est pour cette raison que dans ce problème, et dans quelques autres, mes solutions sont différentes de celles de Daniel Bernoulli.

Un autre reproche qu’on pourrait faire à cet illustre auteur, c’est qu’il semble avoir supposé que quand un fluide sort d’un vase par une ouverture faite au fond, la petite masse qui s’échappe à chaque instant, passe tout d’un coup de la vitesse qu’elle a, lorsqu’elle est encore renfermée dans le vase, à une autre vitesse qui en diffère d’une quantité finie. Il est vrai que cette supposition, pourvu qu’on ne la prenne pas à la rigueur n’empêchera point, comme je l’ai fait voir, que les solutions de Daniel Bernoulli ne soient exactes pour la plupart, et qu’il n’ait pu les déduire du principe des forces vives. Mais c’est peut-être aussi pour avoir donné à cette supposition trop d’étendue et de réalité, que ce même auteur s’est servi des forces vives en d’autres cas où il n’aurait pas dû en faire usage.