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SUR LE MOUVEMENT

vaisseaux dans lesquels ils coulent, le mouvement d’un fluide qui s’echappe d’un vase mobile et entraîné par un poids, etc. Ces différens problèmes, qui n’avaient été résolus jusqu’à présent que d’une manière indirecte, ou pour quelques cas particuliers seulement, sont des corollaires fort simples de ma méthode. En effet, pour déterminer la pression mutuelle des particules du fluide, il suffit d’observer que si les tranches se pressent les unes sur les autres, c’est parce que la figure et la forme du vase les empêchent de conserver le mouvement qu’elles auraient, si chacune d’elles était isolée. Il faut donc par notre principe regarder ce mouvement comme composé de celui qu’elles ont réellement, et d’un autre qui est détruit. Or c’est en vertu de ce dernier mouvement détruit qu’elles se pressent mutuellement avec une force qui réagit contre les parois du vase. La quantité de cette force est donc facile à déterminer par les lois de l’hydrostatique, et ne peut manquer d’être connue dès qu’on a trouvé la vitesse du fluide à chaque instant. Il n’y a pas plus de difficulté à déterminer le mouvement des fluides dans des vases mobiles.

Mais un des plus grands avantages qu’on tire de notre théorie, c’est de pouvoir démontrer que la fameuse loi de mécanique, appelée la conservation des forces vives, a lieu dans le mouvement des fluides comme dans celui des corps solides.

Ce principe, reconnu aujourd’hui pour vrai par tous les mécaniciens, et que j’ai expliqué fort au long dans mon Traité de Dynamique, est celui dont Daniel Bernoulli a déduit les lois du mouvement des fluides, dans son Hydrodynamique. Dès l’année 1727, le même auteur avait donné un essai de sa nouvelle théorie : c’est le sujet d’un très-beau mémoire imprimé dans le tome II de l’Académie de Pétersbourg. Daniel Bernoulli n’apporte dans ce mémoire d’autre preuve de la conservation des forces vives dans des fluides, sinon qu’on doit regarder un fluide comme un amas de petits corpuscules élastiques qui se pressent les uns les autres, et que la conservation des forces vives a lieu, de l’aveu de tout le monde, dans le choc d’un système de corps de cette espèce. Il me semble qu’une pareille preuve ne doit pas être regardée comme d’une grande force : aussi l’auteur paraît-il ne l’avoir donnée que comme une induction, et ne l’a même rappelée en aucune manière dans son grand ouvrage sur les fluides, qui n’a vu le jour que plusieurs années après. Il m’a donc paru qu’il était nécessaire de prouver d’une manière plus claire et plus exacte le principe dont il s’agit, appliqué aux fluides. J’avais déjà essayé de le démontrer en peu de mots à la fin de mon Traité de Dy-