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MÉMOIRE

chose pendant deux ans, que la prémotion physique, les idées innées et les tourbillons.

En sortant de philosophie, du collège Mazarin, il fut reçu maître-ès-arts à la fin de 1735 ; il étudia ensuite en droit, et fut reçu avocat en 1738. Le seul fruit que d’Alembert remporta de ces deux années de philosophie, ce fut quelques leçons de mathématiques élémentaires qu’il prit au même collége sous M. Caron, qui y professait alors cette science, et qui sans être un profond mathématicien, avait beaucoup de clarté et de précision. C’est le seul maître qu’ait eu d’Alembert ; le goût qu’il avait pris pour les mathématiques, se fortifiant de plus en plus, il se livra avec ardeur à cette étude pendant son cours de droit, qui lui laissait heureusement beaucoup de temps. Sans maître, presque sans livres, et sans même avoir un ami qu’il pût consulter dans les difficultés qui l’arrêtaient, il allait aux bibliothèques publiques, il tirait quelques lumières générales des lectures rapides qu’il y faisait ; et de retour chez lui, il cherchait tout seul les démonstrations et les solutions. Il y réussissait pour l’ordinaire ; il trouvait même souvent des propositions importantes qu’il croyait nouvelles ; et il avait ensuite une espèce de chagrin, mêlé pourtant de satisfaction, lorsqu’il les retrouvait dans des livres qu’il n’avait pas connus. Cependant les jansénistes, qui n’étaient plus ses maîtres, mais qui le dirigeaient encore, s’opposaient à son ardeur pour les mathématiques, de la même manière et par les mêmes raisons qu’ils avaient combattu son goût pour la poésie : ils conseillaient à d’Alembert de lire leurs livres de dévotion qui l’ennuyaient beaucoup ; cependant, par une espèce d’accommodement, et comme pour leur faire sa cour, le jeune homme, au lieu de leurs livres de dévotion, lisait leurs livres de controverse ; il y trouvait du moins une sorte de pâture pour son esprit qui en avait besoin, pâture qui donnait à son avidité quelque espèce d’exercice. Cette complaisance du jeune homme ne contentait pas ses austères directeurs, dont à la fin il se dégoûta, fatigué de leurs remontrances. Cependant d’autres amis, moins déraisonnables, dissuadaient aussi d’Alembert de l’étude de la géométrie, par le besoin qu’il avait de se faire un état qui lui assurât plus de fortune. Ce fut par cette raison qu’il prit le parti d’étudier en médecine, moins par goût pour cette profession, que parce que les études qu’elle exige étaient moins éloignées que la jurisprudence, de son étude favorite. Pour se livrer entièrement à ce nouveau genre de travail, d’Alembert abandonna d’abord l’étude des mathématiques ; il crut même éviter la tentation en faisant transporter chez un ami le peu de livres qu’il avait : mais peu à