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ÉLÉMENS

matière pourrait bien être du nombre de celles où les expériences faites en petit n’ont presque aucune analogie avec les expériences faites en grand, et les contredisent même quelquefois ; où chaque cas particulier demande presque une expérience isolée, et où par conséquent les résultats généraux sont toujours très-fautifs et très-imparfaits.

Mais eût-on fait autant de progrès qu’on en a fait peu dans la connaissance du mouvement et de l’action des fluides, cette connaissance nous serait encore assez peu utile pour résoudre des questions d’un genre plus compliqué, quoique d’ailleurs très-importantes en elles-mêmes. Il ne faudrait pas s’imaginer surtout, avec quelques médecins modernes, que la théorie du mouvement des fluides dans des tuyaux ou solides ou flexibles, pût nous conduire à celle de la mécanique du corps humain, de la vitesse du sang, de son action sur les vaisseaux dans lesquels il circule. Il serait nécessaire pour réussir dans une telle recherche, de savoir exactement jusqu’à quel point les vaisseaux peuvent se dilater ; de quelle manière et suivant quelle loi ils se dilatent ; de connaître parfaitement leur figure, leur élasticité plus ou moins grande, leurs différentes anastomoses, le nombre, la force, et la disposition de leurs valvules, le degré de chaleur et de ténacité du sang, les forces motrices qui le poussent. Encore quand chacune de ces choses serait parfaitement connue, la grande multitude des élémens qui entreraient dans une pareille théorie, nous conduirait vraisemblablement à des calculs impraticables. C’est en effet ici un des cas les plus composés d’un problème, dont le cas le plus simple est fort difficile à résoudre. Lorsque les effets de la nature sont trop compliqués et trop peu connus pour pouvoir être soumis à nos calculs, l’expérience est le seul guide qui nous reste ; nous ne pouvons nous appuyer que sur des inductions déduites d’un grand nombre de faits. Voilà le plan que nous devons suivre dans l’examen d’une machine aussi composée que le corps humain. Il n’appartient qu’à des physiciens oisifs de s’imaginer qu’à force d’algèbre et d’hypothèses ils viendront à bout d’en dévoiler les ressorts.

XX. PHYSIQUE GÉNÉRALE.

Les principes que nous venons d’établir sur la manière dont on doit traiter la théorie des fluides, peuvent également s’applique à la physique prise dans toute son étendue. L’étude de cette science roule sur deux points qu’il ne faut pas confondre, l’observation et l’expérience. L’observation, moins recherchée et moins subtile, se borne aux faits qu’elle a sous les yeux, à bien