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ÉLÉMENS

tout ce qu’on peut démontrer sur l’équilibre des fluides. Néanmoins, quoiqu’elle soit connue et mise en usage depuis fort longtemps, il est assez surprenant que les lois principales de l’hydrostatique en aient été si obscurément déduites. Parmi une foule d’auteurs dont la plupart n’ont fait que copier ceux qui les avaient précédés, à peine en trouve-t-on qui expliquent avec quelque clarté pourquoi deux liqueurs sont en équilibre dans un siphon ; pourquoi l’eau contenue dans un vase qui va en s’élargissant de haut en bas, presse le fond de ce vase avec autant de force que si elle était contenue dans un vase cylindrique de même base et de même hauteur, quoiqu’en soutenant le premier de ces deux vases, on ne porte que le poids du liquide qui y est contenu ; pourquoi un corps d’une pesanteur égale à celui d’un pareil volume de fluide, s’y soutient en quelque endroit qu’on le place. On ne viendra jamais à bout de démontrer exactement ces propositions, que par un calcul net et précis de toutes les forces qui concourent à la production de l’effet qu’on veut examiner, et par la détermination exacte de la force qui en résulte.

Un auteur moderne a prétendu expliquer l’égalité de pression des fluides en tout sens, par la figure sphérique et la disposition qu’il leur suppose ; il prend trois boules dont les centres soient disposés en un triangle équilatéral de base horizontale, et il fait voir aisément que la boule supérieure presse avec la même force en bas, qu’elle presse latéralement sur les deux boules voisines. On sent combien cette preuve est insuffisante : elle suppose que les particules des fluides sont sphériques, ce qui peut être probable, mais n’est pas démontré : elle suppose que les deux boules d’en bas soient disposées de manière que leur centre soit dans une ligne horizontale : elle ne démontre enfin l’égalité de pression avec la pression verticale, que pour les deux directions qui font avec la verticale un angle de 60 degrés, et nullement pour les autres.

Nous avons remarqué, plus haut, qu’en général les lois du mouvement et de l’action d’un système de corps qui agissent les uns sur les autres, se réduisent à celle de l’équilibre de ce même système de corps. D’où il s’ensuit que les lois du mouvement des fluides et de leur action, se réduisent à celles de l’équilibre des mêmes fluides. Par ce principe on peut résoudre les questions les plus délicates et les plus difficiles sur le mouvement des fluides et sur la pression qu’ils exercent quand ils sont mus.

Nous ne pouvons nous empêcher de remarquer ici le peu de solidité d’un principe employé autrefois par presque tous les auteurs d’hydraulique, et dont plusieurs se servent encore aujour-